Histoire de la voile Légère

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LASEROLOGUE
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Re: Histoire de la voile Légère

Message par LASEROLOGUE » 12 janv. 2014, 14:24

IL y a du nouveau ôté revue de l'AFL , à la demande générale , elle reparaît en version papier et il y a un article sur l'histoire de la planche à voile, très chiant à lire, bourré de digressions aussi sottes que grenues, mais bon , dans un souci d e documentation des futures générations de voileux..

Planche à voile : Le vent de folie

(Folie créatrice bien entendu )

Cette révolution là je l’ai vécue en direct, même si je n’étais pas dans les tout premiers épisodes (forcément j’étais dans le milieu voile traditionnel et la planche à voile alias windsurf , comme le Sunfish et le Hobie cat d’ailleurs, est née au bord des plages , chez les surfers).


COQUILLAGES et CRUSTACES

Ah ! la plage , monde enchanté de l’enfance (tous les jeux, du château de sable au voilier jouet frêle comme un papillon de mai (Merci Rimbaud !) en passant par le cerf volant, la pêche aux crevettes, et le creusement de trous qui parfois mettent au jour une pièce de vingt centimes datant de la IV° république) de l’adolescence (d’autres jeux, différents et plus sportifs et avant tout celui de la drague quand la soirée se prolonge et que le coucher de soleil se fait glorieux et qu’on a son propre cheval –à deux roues et à moteur – pour emmener sa belle vers la boîte à la mode…si seulement elle a la permission de minuit)….moins de l’âge adulte (on est père ou mère de famille et on a des enfants qui jouent pendant que soi - même on paye les vacances et on supporte les chutes de ballons , le gonflage des bouées canard, les bambins bruyants , et la frustration de ne plus être l’Adonis ou la Sirène qui attire les regards) .. monde entre la terre et l’eau qui se teinte à nouveau de magie, mais empreinte de nostalgie, à l’approche de la vieillesse (tous les jeux auxquels on a pas joué, car ils étaient trop chers , trop sportifs , ou pas encore inventés… toutes les filles qu’on n’a pas osé draguer, ou auprès desquelles on s’est pris un râteau comme ils n’en ont pas chez Jardiland…aaah souvenirs de plage , désirs de plage, regrets de plage ! ).

La plage, ce continent de toutes les magies a crée ses codes , ses lois , son étiquette vestimentaire, et surtout, en vrai lieu d’oisiveté où il est de bon ton de faire quelque chose, ses jeux bien spécifiques innombrables, protéiformes, naissant et mourant au gré des modes aussi éphémères que la beauté fugace d’une nymphette en bikini :

Le beach volley, le Jokari, les agrès , tyroliennes et autres acrobaties du Club Mickey, les joujous volants propulsés par un élastique de lance pierre ou retenus au bout d’un fil de nylon, les boules de pétanque en plastique aux couleurs criardes remplies d’eau, …et puis ses jeux aquatiques, plongeoir, waterpolo, ses esquifs à peine navigables, matelas et bouées gonflables en forme de requin, de canard, de crocodile , gondolys , pédalos, canoés et bibs pneumatiques propulsés avec des pagaies ultra fragiles qui cassent au plus mauvais moment, bouées tamponneuses propulsées par un minuscule moteur hors bord et surmontées d’une queue de dauphin en polyester faisant parasol, skis et gadgets tractés derrière un vrombissant canot à moteur, et évoluant parfois dans les airs comme le wake kite , dériveur léger qui n’est pas forcément tout à fait à sa place car le départ dans les rouleaux demande de la technique et peut coûter cher en cas de loupé, catamaran qui s’en sort nettement mieux , quoique …pas toujours et puis bien sûr le Roi des Rois de tous les sports de plage …j’ai nommé le Surf




POLYNESIE … CALIFORNIE (ET PAYS BASQUE)


Roi incontestable des sports de plage , le Surf était aussi sport de rois, le jeu des rois d’Hawaï et de toute la Polynésie, comme le yachting fut celui des têtes couronnées d’Europe et des rois de l’industrie capitaliste américaine.


Interdit par les missionnaires protestants lâchés comme des corbeaux de mauvais augure sur les paradisiaques iles du Pacifique au XIX° siècle le surf survécut par miracle et finit par conquérir Hollywood dans l’immédiat après guerre (nous avons narré cela, et parlé du légendaire surfer « Duke » Kahanamoku à propos du Sunfish).

De là , avec la dominance culturelle du cinéma d’Hollywood , le surf est parti à la conquête des USA , d’abord , puis du monde entier…le lien avec l’industrie du spectacle a toujours été très présent et très fort :

En France ce sont les techniciens américains d’une équipe de cinéma ( Le cinéaste Etatzunien Peter Viertel, époux de la sublime Deborah Kerr, venu dans les années 50 tourner à Biarritz en compagnie d’ Ernest Hemingway et du boss Darryl Zanuck pour les besoins de son prochain film « Le soleil se lève aussi ») qui ont introduit ce sport chez nous, les deux premiers adeptes tricolores étant deux jeunots basques , Jo Moraïz et le regretté Michel Barland , un gaillard aussi large que haut avec un accent du sud ouest aussi sonore et puissant qu’une grosse déferlante tapant dans le rocher de Biarritz.

Biarritz étant une station huppée, ce sport a assez vite capté l’attention d’un aristocrate parisien villégiaturant dans le coin (Joel de Rosnay, frère du controversé Arnaud dont on reparlera) qui en a fait un must pour snobs sportifs, et aussi de bricoleurs fous qui se sont lancés dans la fabrication de planches et d’équipements comme Barland, talentueux shaper / surfer, déjà nommé, mais aussi le pittoresque Georges Hennebutte, un roi du caoutchouc néoprène et du kayak gonflable , également inventeur d’un canot pneumatique de sauvetage balnéaire , dénommé l’espadon, capable d’affronter sans se retourner les énormes rouleaux de la côte basque et de secourir les imprudents baigneurs et baigneuses entraînés au large malgré eux par les redoutables courants tournants (dits courants de baïne) de ces côtes en prise directe avec la puissante houle du golfe de Gascogne.

L’Espadon, breveté Hennebutte, mérite une brêve digression / description : Imaginez un zodiac classique , à fond mou , quille gonflable et plancher de bois, mais avec un nez relevé en l’air comme l’érection de Casanova et un tableau arrière bien mal nommé , puisque collé au milieu de la coque et portant le moteur, obligatoirement équipé avec volant et commandes à distance, rejetant le pilote à l’extrême avant, tandis que les boudins et leurs cônes en forme de nichons felliniens surdimensionnés se prolongent loin en arrière, le but étant évidemment de pouvoir passer les déferlantes de face sans se retourner comme une crêpe…un engin au look loufoque, mais plutôt bien pensé et que les postes de sauvetage de la côte basque utiliseront fidèlement des décennies durant, jusqu’à l’arrivée des jets skis (véritables purulences nautiques que je vomis comme de la bile glaireuse, mais qui ont le mérite de pouvoir passer avec une certaine aisance dans les rouleaux …sans hélice à tronçonner le baigneur à demi noyé qu’on tente de repêcher).


LOOK et PANOPLIE


Le surf a inspiré des modes et inventé des objets les plus divers :

Incontournable : Le surf board autrement dit la planche elle-même, parfois moulée industriellement (pour les plagistes loueurs) mais souvent sculptée artisanalement, d’abord dans des bois légers comme le williwilly , une essence hawaïenne, ou le balsa, puis dans de la mousse de polyuréthane spéciale, étincelante, blanche et légère comme de la neige cristallisée, merveilleusement enrobée de composite verre résine avec une finition polie glacée qui permet de voir en transparence une décoration peinte allant du bicolore sobre , façon écusson de petit baron du XIII siècle au bariolage psychédélique pétaradant de couleurs réalisé par un artiste qui n’est pas tout à fait redescendu d’un trip à la mescaline ou au LSD.


Mais le surf ne serait pas le surf s’il se limitait seulement à une planche de surf surmontée d’un surfer glissant au milieu du surf déchaîné (surf çà veut dire zône déferlante , eh analphabète !).

Autour du surf il y a aussi d’autres objets presque incontournables qui ont sauvagement déferlé au milieu de la culture mainstream et sont devenus autant d’icônes et d’objets du désir

Citons côté vêture le bermuda coloré couvert de gaffitis au style ethnique (Australo Aborigène ,Mexicain , Eskimo ou Marocain , c’est selon) …avec les T shirts et les pantalons du même métal et les claquettes larges comme des pneus de Formule 1, le surfwear est devenu tellement connu , limite banalisé, que ce n’est pas la peine d’insister.

Côté transports Il y a l’indestructible vélo à gros pneus pour le pré ado surfer qui n’est pas encore en âge de chasser les spots en automobile et qui peigne la côte en pédalant avec son surf sous le bras.
C’est le célèbre beach cruiser de la très US maison Schwinn, un vélo qui s’orne d’un inutile pseudo réservoir de moto profilé en goutte d’eau, style vielle Harley ou Indian, un truc pour te faire croire que toi aussi , mon p’tit gars , tu seras bientôt motorisé comme il sied à tout enfant du rêve américain ….

Après , une fois atteint l’âge de 16 ans (là bas le permis c’est 16 ans ) le surfer peut rouler les mécaniques en vieille américaine customisée, en pick up avec sono, ou encore chasser le spot de rêve et la vague parfaite à bord de sa capsule spatiale personnelle , doublée d’un lit de repos / chambre d’amour , j’ai nommé le minibus VW Combi .

N’oublions pas non plus la paraffine antidérapante parfumée (très artificiellement , les esters odorants c’est la base de la chimie de la séduction) à la banane, mangue, fruit de la passion ou à la noix de coco (la fameuse Mr Zog’s Sex Wax…pour laquelle Wikipedia US croit bon de préciser que ce nom provocateur a été choisi par le boss de l’entreprise, très imprègné de la contreculture Hippie des années 60…et qu’il ne faut surtout pas s’en servir comme lubrifiant sexuel !!! (Sont fous ces ricains,…. ce truc aussi efficace que collant a la consistance du savon de Marseille ou de la cire de bougie ).



DIVERSIFICATION ET EXPORTATION


Le surf est aussi sorti de l’eau (tel les dipneustes et autres poissons à pattes en pleine évolution darwininne) pour aller sur le bitume (le skateboard, , en attendant le speed sail dont on causera plus loin) sur la neige (où il a détrôné le monoski) .




Il a même bousculé le ski nautique (inventé à la base par des chasseurs alpins des années 30 bien de chez nous qui avaient nettement forcé sur le Génepi) en popularisant un étrange hybride , le wakeboard et en imposant la position « de côté » , avec le pied gauche en avant (goofy) ou le droit (regular) de préférence à la position « dans le sens de la marche » qui vient du ski alpin …pour les bambins que leurs parents prudents ne veulent pas laisser affronter les déferlantes, il y a aussi le skimboard, pour les vaguelettes de l’extrême bord de plage…un engin qui occasionne son lot d’entorses , de fractures et d’hématomes, à défaut de morsures de requins ou de noyades.



STARISATION ET MEDIATISATION

Le cinéma d’Hollywood s’est goulûment jeté sur le surf et le film de surfers s’est fait une place comme un genre à part entière, d’abord avec des films ensoleillés , optimistes et un peu nunuches dans les années 50/60 , telles les aventures et les peines de cœur d’une surfeuse format polly pocket (la série des Gidget où le personnage titre fut incarné par quatre ou cinq actrices successives, de Sandra Dee à Cindy Carol en passant par Sally Field dans l’adaptation TV, puis dans des films plus construits comme le documentaire « endless summer –l’été sans fin » où Mike Hynson et Robert August laissent tout tomber pour faire le tour du monde des plus belles vagues des deux hémisphères (le Surf comme raison de vivre) .

Plus récemment (en 1991) Hollywood a redoré le film de surfers , mais dans un mode plus noir, moins naïvement optimiste avec braquages de banques pour financer les surfaris, drogue et flingues (la guerre du Vietnam et la fin des illusions de l’époque hippie et de la contreculture étaient passées par là) , c’est « Point Break » de Kateryn Bigelow , qui vient, vingt ans plus tard, de réaliser un film haletant et sinistre sur l’éxécution extrajudiciaire de Ben Laden.

Les acteurs Patrick Swayze et Keanu Reeves y gagnèrent de l’épaisseur au Box office, mais dans les scènes d’action c’est la doublure qui est la vraie vedette : Darrick Doerner, un animal accro aux très grosses vagues , en marge du circuit des compétitions officielles , un personnage en marge d’autres choses aussi, connu pour donner force coup de boules et autres bourre –pif à qui se permettait de lui piquer « ses » vagues ou de venir de loin surfer sur « sa » plage…

Dans les années 60 et 70 où tout n’était que pop music, à la charnière du rock et de la zique planante , le surf , devenu une culture à part entière ,a eu ses hymnes et ses bardes, au premier rang desquels les Beach Boys , groupe composé des frères Wilson et de quelques potes dont un seul savait un tout petit peu surfer..et encore avec la grâce d’un fer à repasser.

Ca faisait gentiment ricaner les vrais pratiquants du noble sport des rois d’Hawaï qui venait d’embrasser son époque, celle de la contreculture , des hippies, et des cigarettes prohibées à base de pakalolo (la marijuana des hippies californiens dont la culture s’était exportée sous les cieux enchanteurs des îles du Pacifique)….çà finira mal, avec la guerre du Vietnam en toile de fond.
Les Beach Boys n’étaient pas les seuls porte drapeaux de la surf music, il y eut aussi le duo Jan and Dean..et quelques imitateurs.
Les paroles des chansons des Beach Boys ne causaient pas que de surf , elles causaient aussi beaucoup de bagnoles (Shut down, Little Deuce Coupé) de motos (little Honda) et surtout de filles (Barbara Ann, California Girls, And I kissed Her…)….et en dehors du surf , des bagnoles , des motos et des filles……. de pas grand-chose d’autre.

Ces paroles n’avaient rien de très intellectuel , si on les traduit, elles sont aussi niaises que du Johnny Hallyday (C’est peu dire) mais elles sont portées par une musique pêchue et entraînante , à la charnière du rock initial et de la pop sucrée..


Ces chansons sont un remède garanti contre la morosité et dans notre époque moins souriante elles claquent comme des étendards, des symboles d’une époque révolue où les USA avaient encore du pétrole facile à extraire sous leurs derricks , du boulot pour tout le monde, de l’optimisme à revendre…ainsi qu’ une image de marque intacte en politique , avec Kennedy en porte drapeau, un icône dont on a depuis décapé le vernis pour découvrir du pas très propre.

GEOPOLITIQUE, TERREUR ATOMIQUE ET DELIRE D’INGENIEUR

C’est au beau milieu des riantes années 60 , où tout semblait possible , où la guerre froide et son cortège de mensonges et de saloperies n’empêchait pas d’être optimiste , et de rêver à la conquête de l’espace et à un futur idyllique .


Car la guerre froide a eu son bon côté, comme le dit le proverbe anglais à propos des nuages qui ont toujours leur doublure d’argennt:

Werner von Braun, nazi à peine repenti, encore jeune mais depuis longtemps expert dans l’art de murmurer à l’oreille des militaires de haut grade, Allemands ou US , peu importe , avait convaincu les généraux et les politiciens US de l’intérêt de conquérir l’espace .

(Qui tient la mer domine le monde disait l’Amiral – stratège US Mahan en 1870…qui tient l’air domine le monde lui répondait en écho le Général italien Giulio Douhet, le visionnaire du bombardement stratégique …et ce dès 1910, alors même que les biplans de toile et bambou peinaient encore à emporter un pétard de 14 juillet..)


Avec Werner von Braun, en 1950 on en était à : « qui tient l’espace domine le monde », et comme il l’avait fait pour les militaires nazis , WvB était parvenu à mettre les généraux et les amiraux US…et les dollars de l’oncle Sam au service de ses rêves mégalos de station spatiale, de voyages sur la lune , sur Mars et au-delà…

Comme en plus , les Russes , mais aussi les Français avaient eux aussi fait main basse sur les spécialistes allemands des sinistres fusées V2 de Peenemunde, des gens très discrets sur la façon dont les fameuse fusées stratosphériques étaient construites en grande série par des ouvriers esclaves venus de l’univers atroce des camps de concentration…eh bien la course à l’espace était née, comme l’a fort bien raconté l’écrivain américain Tom Wolfe dans l’étoffe des Héros un roman qui fut excellemment adapté au cinéma.


Le congrès US , dans une ambiance de parano fort bien décrite par un autre incontournable film (Docteur Folamour de Stanley Kubrick, qui est un Everest du film d’humour noir) ouvrit tout grand le robinet à dollars pour en inonder la vieillissant NACA (organisme d’Etat US chargé de la recherche aérodynamique….

Au fait, jeune lasériste qui baillez dans un coin, le joli profil en aile d’avion de la dérive du Laser est justement un profil NACA , un 0008 pour être précis tandis que le safran se contente d’un 0012 réputé moins décrocheur…mais je peux me tromper).



Le poussiéreux et ringard NACA (National Advisory Comitee for Aerodynamics cad Comité Consultatif National pour l’Aérodynamique) disparut sous l’inondation de dollars gouvernementaux et se réincarna en la délicieuse et richissime NASA (National Administration for Space and Astronautics ) une charmante et plantureuse créature cousue d’or qui attira la fine fleur des savants, des ingénieurs , et des équipes de recherche , appâtés par des budgets illimités, des grands gamins qui prouvèrent une fois de plus que la seule différence entre les enfants et les adultes c’est le prix de leurs joujoux.


De nos jours le lancement d’une fusée interplanétaire fait moins de buzz médiatique que les dérapages cocainés de Paris Hilton ou les coucheries de Dominique Strauss Kahn..mais dans les années 60 le monde entier était pendu aux infos venues des centres de recherches spatiales et tout le monde croyait voir dans l’ Espace (les soviétiques préféraient parler de Cosmos ) la solution de nos problèmes bassement terrestres et la promesse d’un avenir meilleur et illimité.

Aujourd’hui , nous savons que la solution de nos problèmes, même si elle est au fond de l’espace , ce qui reste à prouver, est de toute façon inatteignable avec les moyens actuels (et même ceux d’un futur de moyen terme) et qu’il nous faut nous concentrer sur la préservation de notre terre , pauvre chaloupe de sauvetage surchargée et, sinon unique, du moins bien esseulée dans la galaxie ….


Les (centaines de ) milliards pompés dans la recherche spatiale nous auront au moins appris cela ..et donné quelques beaux bénéfices accessoires comme des prévision météo fiables , la géolocalisation sans sextant et sans sortir de Polytechnique, les télécommunications intercontinentales en deux coups de cuillère à pot…et même les écrans de télévision auto convergents qui ne clignotent pas et neigent encore moins .





Les ingénieurs passent pour le plus sûr moyen de mettre sur la paille une firme prospère, loin , très loin devant les femmes et les jeux de hasard et là, même avec les milliards de l’oncle Sam , il fallut assez vite se calmer , saborder notamment le projet grandiose d’avion fusée piloté (le X20 « Dyna Soar » qui se réincarna plus tard sous forme de la coûteuse et peu fiable Navette Spatiale qui ne tint pas ses promesses et finit tristement)…mais entre temps le ingénieurs en folie avaient pu se lâcher grave et élucubrer tout et n’importe quoi ayant un rapport plus ou moins lointain avec le voyage spatial (depuis les repas lyophilisés jusqu’à la jeep électrique pliable roulant sur des pneus en treillis de titane et stockable dans un porte parapluie ).


Bien entendu un cerveau fécond des jeunes et talentueux ingénieurs de la NASA, qui sont aux années 60 ce que les computer nerds et le numeric geeks sont à notre époque, ne s’arrête pas de fonctionner quand se termine le boulot et que sonne l’heure (l’happy hour) du beer call,
L’apéro de fin de boulot des ricains …

Quand le cerveau d’un ingénieur de la NASA passe du mode travail au mode sports et loisirs , il s’en passe de belles : A l’évidence un tel être d’exception ne saurait se contenter des sports et autres distractions déjà inventées, il lui en faut de nouvelles , ou au strict minimum , réinventer totalement les anciennes.


Francis Rogallo , par exemple pourrait passer pour le père, voire le grand père spirituel de ces ingénieurs fous lâchés dans le monde du loisir…vu que dans les années 60 il frisait déjà la cinquantaine

Cet aérodynamicien talentueux avait commencé sa carrière à la NACA , future NASA et avait travaillé sur des parachutes pilotables que le parachutiste puisse diriger à sa guise et sur de longues distances .

En effet le parachutiste militaire est prié de ne pas se disperser , de rester groupé avec ses petits copains , et de ne pas se laisser flotter au gré des vents …

L’efficacité guerrière d’un « stick » de parachutistes est inversement proportionnelle à la vastitude du terrain où les paras se retrouvent disséminés au terme de leur descente, un inconvénient qui a longtemps fait préférer le très vulnérable et très dangereux planeur d’assaut où les troupiers aéroportés restent ensemble jusqu’à l’atterrissage …même si cet atterrissage est parfois synonyme de mort en groupe.


Francis Rogallo élucubra un parachute triangulaire avec trois longerons disposé en éventail séparés par deux demi cornets de frite en mylar…un matériau nouveau , ultra léger et ultra résistant que la puissante firme chimique Du Pont de Nemours venait juste d’inventer….

Le parawing de Rogallo était sans doute trop novateur pour les militaires, qui cependant le testèrent dans tous les rôles et toutes les configurations , y compris pour le retour sur terre des capsules spatiales….mais Rogallo réussit néanmoins à faire décoller sa petite invention.

Il la vendit d’abord sous forme de jouets d’enfant (des cerf-volants ultra efficaces et bien plus facile d’emploi que les traditionnels losanges mal stabilisés une queue faite d’une guirlande de papillottes multicolores).

Du jouet il passa à la grandeur réelle, d’abord en version vol à voile , puis avec un petit moteur , inventant d’un seul coup le deltaplane (vous l’aviez reconnu j’imagine)et l’ULM .


Son invention, qui eut un immense et durable succès permit de re - démocratiser les sports aéronautiques , qui avaient connu un renchérissement et un embourgeoisement galopant après première phase de démocratisation dans les années 30, et dans notre bonne vieille France, avec l’Aviation Populaire…et les invraisemblables créations du bricoleur fou et ingénieur du dimanche que fut Henri Mignet , créateur des très controversés « poux du ciel ».

Les braves gens de la génération de mes parents en voyant à la télévision les ULM de Rogllo et de ses disciples (c’était une des coqueluche des magazines de loisirs dans la première moitié des années 70) disaient d’ailleurs : « tiens on en revient au pou du ciel », tant le peu poétique acronyme ULM leur était parfaitement inconnu… »mais non papa , c’est un U…L….M, un Ultra Léger Motorisé »... « bah , çà existait déjà, mon garçon c’était même très à la mode du temps de Tino Rossi, quand j’étais en culottes courtes ».


Comme Henri Mignet (et contrairement à pas mal de pilotes de poux du ciel et de deltaplanes , dont le très regretté Bruno Guillen, grand champion de Laser des années 80 qui se tua en Australie au cours d’une tentative de record de vol en delta) Francis Rogallo vécut vieux , quasi centenaire et s’éteignit paisiblement en 2009….

il n’ya a pas de bons pilotes , il n’y a que de vieux pilotes…et Mr Rogallo devait être un sacré bon vélivoliste, tout comme son compatriote Woody Brown , le grand père du Hobie cat dont je vous causerai une autre fois.

Le père direct du Hobie Cat fut Hobart Alter …un grand surfer devant l’éternel qui va nous servir de transition pour revenir en Californie à l’élément liquide et à un autre délire récréatif inventé par un ingénieur de la NASA, à savoir le windsurf, aussi connu chez nous sous le nom de planche à voile, un terme moins exotique mais on a échappé à « pou à voile » ou « pou du Yachting » .

BEACH BOYS, BAD BOYS ET REFUS DE PRIORITE


L’idée de coller une voile sur une planche de surf n’est pas nouvelle, les polynésiens l’avaient sans doute déjà eue , vu qu’ils utilisaient parfois de vieilles pirogues pour surfer et en tous cas elle a vite été adoptée par la Dawn Patrol ainsi que s’appellent entre eux les surfers les plus matinaux .

( Dawn patrol : la patrouille de l’aube , le titre d’un célèbre film d’aviation d’Howard Hawks…décidément on n’en sort pas, l’aviation est élevée au rang de mythologie aux USA)


Les surfers amateurs de belles vagues lisses , capables de se lever à l’aube (pour çà il faut se limiter sur les filles et la fumette , se coucher à une heure pas top déraisonnable et jouir d’une belle santé) raffolaient donc des grosses vague dont la crête est rebroussée par un vent de terre (en Californie , certains vents de terre, comme le Santa Ana sont très violents et transforment les grosses déferlantes en piste de descente lisses comme du verre (glassy waves ) .


Comme le Santa Ana et ses potes soufflent vers le large, bien renforcés par la très classique brise de terre matinale , le patrouilleur surfer de l’aube désireux de s’économiser la corvée de pagayage (absolument épuisante, j’ai testé pour vous-même si c’était modestement à Jersey et pas en Californie) pour remonter vers le point break (le point de déferlement) et le line up (l’alignement de surfers qui attendent la vague , à califourchon sur leur planche)..


Eh bien, le Dawn Patroller un peu mariole et agile se mettait debout, et improvisait une voile avec un T shirt tenu entre les dents et à bout de bras, histoire de garder ses forces pour la suite , pour le très rapide pagayage dans le sens de la vague qui permet de se lancer avant les autres dans la pente et avoir ainsi la priorité, une priorité qui était de plus en plus chèrement acquise avec le développement du surf.



Sur certains « spots » de Californie la saturation de avait d’ailleurs été assez vite atteinte avec pour conséquence des bagarres , une mentalité localiste très déplaisante (bourre pifs , coups de boule et pneus crevés pour « le sale étranger » venu de la plage situé trois kilomètres plus loin)….et au-delà, la transformation des plus acharnés surfers en globe trotters cherchant au Mexique et plus loin encore des vagues moins fréquentées au cours de voyages interminables
(les Surfaris ) qui finissaient parfois en semi clochardisation et en défonce à la Marijuana .



En établissant une voile plus efficace qu’un T shirt trempé sur une planche de surf , il était évident pour tout surfer pas trop atteint par les herbes magiques qu’on pourrait accéder à des terrains de jeux encore vierges, à des vagues aussi inaccessibles et aussi belles que des étoiles d’Hollywood , sans craindre les crétins à la mentalité localiste, sans bourre pif ni coup de couteau dans les pneus et sans devoir abandonner les études et le boulot pour un surfari-dérive à l’issue parfois bien triste…


Restait à inventer la chose (pas si difficile quand la technique est mûre et que l’idée est dans l’air) à la finaliser (plus difficile, car longue est la mise au point et le Diable se cache dans les détails) puis à la commercialiser (fastidieux) et qui sait à encaisser les dollars (nettement plus agréable même si point trop n’en faut).









BREVETS, AVOCATS ET EMBROUILLES EN BERMUDA

Ce qu’il y a de bien avec les grandes inventions c’est que souvent ça nourrit les polémiques entre historiens , çà entretient le chauvinisme cocardier, et , surtout aux USA, qui ont la fibre chicanière , çà engraisse les avocats.

Christophe Colomb est le découvreur de l’Amérique, officiellement, mais les Scandinaves se parfument d’y être allés bien avant (les voyages de Leif Eriksson dit Leif l’Heureux , puis d’Erik le rouge , deux fiers Vikings du 10° siècle) et les pêcheurs bien français de Fécamp et Boulogne (qui avaient découvert Terre Neuve et la côte canadienne mais en bons pêcheurs taiseux n’avaient pas soufflé mot de l’emplacement de leur mine de morue fraîche , aujourd’hui irrémédiablement épuisée par la surpêche) et ce facilement cent ans avant le marin génois de la reine Isabelle d’Espagne.

Dans tous les bouquins d’histoire français on vous dira que l’inventeur de l’aviation est Clément Ader et ce dès 1890 alors que les Américains assènent avec force que le premier vol motorisé d’un plus lourd que l’ air est à mettre au crédit des frères Wright…mais en 1903…

Bouteille moitié vide…ou moitié pleine …la vérité est entre les deux, on sait aujourd’hui que la chauve souris d’Ader, propulsée par une étonnante machine à vapeur (plus efficace que les premiers moteurs à explosion nés vingt ans après) a bel et bien décollé, mais , contrairement au « flyer » des Wright brothers , elle était absolument incontrôlable en vol, la faute à Ader ,lui-même , ingénieur génial mais égocentrique et bossant en solitaire , sous le sceau du secret militaire, qui avait voulu tout réinventer lui-même alors que divers précurseurs (l’anglais Cayley, le français Pénaud…) avaient défriché le terrain , expérimenté, publié dans des revues scientifiques et produit des planeurs modèle réduit parfaitement stables et contrôlables.


A la base de la planche à voile moderne on va retrouver comme inventeur officiel un autre ingénieur aéronautique de très grand talent, esprit libre et visionnaire, passé par la NASA mais aussi et surtout par les usines secrètes de l’avionneur militaire Rockwell et son bureau d’études semi secret (la RAND corporation , une pépinière d’ingénieurs aussi talentueux que discrets)….j’ai nommé Jim Drake…pas connu de vous ?, inconnu au bataillon ? Kicéçulà… ?…

Nôôôôôrmaaal, la plupart de ses travaux , effectués sous la chape de plomb du secret militaire, au plus fort de la Guerre Froide est encore classée top secret, most secret, secret défense , classifié, vérrouillé , planqué dans des coffres forts militaires, kif kif Clément Ader (déclassifié par l’armée depuis 1990 seulement !)…et comme Jim Drake au paradis des surfers et des aviateurs depuis 2012 (il était né en 1929) ne comptez pas aller l’interviewer pour en savoir plus.

On sait seulement, ou on croit savoir, que ce génie aéronautique , que ses employeurs (Rockwell , puis North American Aviation) prêtèrent ou plutôt louèrent très cher directement au ministère de la défense US bossa une bonne partie de sa vie sur des ICBM , des missiles balistiques intercontinentaux, charmants joujoux porteurs de bombes atomiques, qui auraient pu (et peuvent encore) détruire des pays entiers et rendre la terre inhabitable .

Ecrasante responsabilité , perspectives apocalyptiques ( Mieux vaut en rire jaune , comme Kubrick et son Docteur Folamour, ou encore Boris Vian et son inénarrable Java des bombes atomiques) quand on bosse avec de tels enjeux , mieux vaut avoir une saine distraction pour se purger corps et esprit et régénérer sa force de travail , et en bon californien , Jim Drake avait choisi la voile (avec un notamment un Sunfish, qui comme nul n’ignore est dérivé d’une planche de surf) et le surf proprement dit.


En 1964, au cours d’une discussion d’après boire avec son ex boss de chez Rockwell, qui muté au Pentagone à Washington , voulait faire le mariolle en traversant la rivière Potomac sur des skis nautiques tirés par un cerf –volant (le Kite surf trente ans avant les frères Legaignoux encore un visionnaire !) Jim Drake conseilla plutôt l’adaptation d’une voile sur une planche de surf et se promit de s’y mettre dès son retour à son nouveau job à lui , un truc ultra secret sur une base aérienne de San Bernardino en Californie…

L’idée prit tout son temps pour maturer sous le soleil de Californie et c’est en 1967 seulement que Jim Drake tenta l’adaptation d’un cardan, ou joint universel , à deux degrés de liberté, pour fixer la voile sur la planche , un système qui permettait de faire varier la position du centre de voilure par rapport au centre de dérive et donc de diriger l’engin qui n’avait pas de gouvernail mobile mais un bête aileron fixe .


Jim Drake était un amoureux de la simplification …mais simplifier est une chose qui peut s’avérer redoutablement compliqué et Drake voyait parfaitement la complexité du problème qui consiste à maîtriser et à piloter un engin beaucoup trop simple où , selon l’expression du regretté Yves Louis Pinaud, « le véliplanchiste est tout à la fois le hauban , l’écoute, le gouvernail, le lest mobile et la tête pensante de l’engin. »

Plus Drake expérimentait et plus il se ruinait le dos à tenter de relever la voile (ce qui l’amena à inventer le tire ville de relevage) plus il se prenait le mât dans les couilles, ou sur la tête , plus il faisait de plongeons involontaires et ridicules…et en bon ingénieur de développement aéronautique il « embaucha » à titre bénévole un pilote d’essai .

Le pilote d’essai était un certain Hoyle Schweitzer, un surfer et négociant en matériel informatique (mais oui, déjà !) du coin dont la femme avait sympathisé avec celle de Drake alors que toutes deux étaient à la maternité, et que Mrs Schweitzer était enceinte du futur champion du monde de Windsurfer, le petit Matt Schweitzer.

En 1968 Jim Drake et Hoyle Schweitzer s’associèrent , payèrent en compte à demi un brevet portant sur la jonction voile / planche par un cardan et le contrôle de la voile par un wishbone (qui n’était pas une invention nouvelle).

Les pêcheurs d’huitres de Nouvelle écosse l’utilisaient sur leurs sharpie grées en cat boat dès la fin du XIX° siècle , et Tabarly venait de le remettre à l’honneur et d’en équiper sa goélette Pen Duick III pour exploiter un trou dans la jauge du RORC et atomiser tout le gotha du yachting anglais en remportant de façon retentissante la très convoitée course du Fastnet.

Hoyle Schweizer s’escrima, se prit le mât sur la tête , dans les tibias et ailleurs , bouffa de l’écume et cracha de l’eau salée, mais comme il était à la fois balaize et très souple , en plus d’être très têtu, il parvint vaille que vaille à maitriser le bestiau, dans des vents de plus en plus forts et des vagues de plus en plus grosses , et en titra des sensations de plus en plus exaltantes et fortes.

Les planches furent tout d’abord fabriquées par Hoyle dans son garage avant de tenter une production délocalisée (mais cameloteuse) à Taïwan (déjà la mondialisation à bas prix) et Schweizer se fit le promoteur et VRP de l’invention , qu’il balada de salon nautique en magasin de sports, de shipchandlers en clubs de plage ou de surf , tentant, tel un nouveau Mahomet de convertir les incroyants à sa nouvelle foi…

Il dut aussi se faire moniteur et pédagogue car le mode d’emploi était tout sauf évident et bien des acheteurs déconfits et trempés menaçaient de laisser tomber dès la première heure de non- navigation ponctuée de ploufs , de splashes et de coups de mât sur la tête et dans les vous-savez-quoi…

Les ventes furent longues à décoller et une certaine mésentente s’installa entre Schweitzer et Drake et ce dernier finit par passer à autre chose à la faveur d’un déménagement et d’un changement de job, abandonnant sa part de brevet à Schweitzer pour la somme non négligeables mais pas astronomique non plus de 36000 dollars US .

Resté seul maître à bord, Schweitzer , fidèlement secondé par madame et ses gosses, et au beau milieu de la faillite de son négoce personnel d’ordinateurs ( sans doute trop en avance sur son temps ! ) déposa la marque windsurfer en 1973, sélectionna des sous traitants fiables , améliora la stabilité du flotteur en copiant un gros « malibu » sculpté par le shaper surfer Matt Kilvin, et le fit produire industriellement aux USA par la société Elmer Good.

Pour animer, entretenir la flamme encore naissante et créer du lien entre les acheteurs du joujou, Hoyle Schweitzer , dont la vraie vocation était sans doute celle d’homme orchestre , se fit organisateur de régates « à la bonne franquette », dans le même esprit que la classe Sunfish et en retenant aussi la monotypie absolue , et la découpe de la voile par table traçante du petit nouveau, le dériveur Laser qui décollait comme une fusée dans tous les clubs de Californie et d’ailleurs.

Nul n’est prophète en son pays, et au début des années 70 les premiers clients étrangers furent allemands …des pilotes de ligne désoeuvrés de la Lufthansa, en transit à LAX (l’aéroport international de Los Angeles) qui ramenèrent tout bonnement les gros surfs à voile et leur mât en un seul morceau dans les soutes de leurs 747 ou DC10 , à titre de bagages personnels et entreprirent de naviguer sur les bords de la Baltique et dans l’île frisonne de Sylt, sur la Mer du Nord, où le vent est impétueux et les filles blondes comme les blés.

Un peu par hasard, un container de windsurfers prit le chemin de la Suède (faut être Viking pour véliplancher dans les eaux glaciales de Fjords )…et l’intérêt pour le nouveau sport s’éveilla en Europe, où la Windsurfer avait fait son apparition en même temps que le Laser dans des recoins sombres des salons nautiques de Paris et de Londres.

Schweitzer , homme d’affaires coriace et pas facilement découragé s’empressa de claquer ses premiers bénéfices en dépôt de brevets sur le vieux continent …il breveta en Allemagne , breveta en Angleterre , en Suisse et ailleurs mais en bon américain , il ignora ou méprisa ou négligea les mangeurs de grenouilles que nous sommes et ne déposa pas de brevet français …fatale erreur qui allait le conduire à la ruine , ou presque.


Il trouva à Almelo en Hollande une société spécialisée dans les textiles et les plastiques industriels (la maison Ten Cate) capable de produire sous licence les windsurfers en quantité industrielle.


Un consortium suisse flaira la bonne affaire (Pas d’argent, pas de Suisse dit un proverbe maintes fois vérifié) et acheta une licence avant de mettre en production une version un peu plus stable et mieux pensée de la windsurfer sous la marque Mistral, avec une articulation de pied de mât type diabolo en caoutchouc (un silentbloc de boîte de vitesses d’estafette de chez Renault) à la place du très joli cardan en inox, nylon massif monté sur un sabot de bois de teck qui était le signe distinctif de la « vraie windsurfer ».


Ce sabot de pied de mât était en fait un des talons d’Achille de la Windsurfer : enfoncé dans un trou rectangulaire il ne tenait pas très bien et se déboîtait toujours au pire moment : en plein relevage de la voile , lorsque le planchiste tire comme une mule sur le tire veille et a les jambes bien écartées et les pieds de chaque côté du mât pour contrôler la rotation de la planche …

La trajectoire verticale et ascendante du mât et de son cardan, ainsi libérés, est parfaitement définie et immuable à 99% : elle aboutit exactement entre les jambes du véliplanchiste et son énergie cinétique est parfaitement égale celle du coup de genou expédié au même endroit sensible par une championne d’arts martiaux qu’un individu du genre gros bolosse lourdingue aurait trop instamment importunée dans une boîte de nuit.


La Mistral suisse comprenait un pied de mât à diabolo, prolongé par une « carotte » crantée qui s’enfonçait dans un puits rond et bloquée en place par un ressort épingle en inox, une fixation largement plus efficace qui évitait les coups de mât dans les vous - savez - de - quoi je - cause.

Par la suite , les fabricants de planches ou d’accessoires s’ingénièrent à perfectionner ce petit détail crucial et à en chasser le diable matraqueur de coucougnettes qui s’y était caché.

la société Nautix, bien de chez nous, produisit pendant longtemps un pied de mât a expansion , très efficace , basé sur le principe des bouchons spéciaux qui permettent de reboucher hermétiquement une bouteille de champagne entamée .


Pendant ce temps , coincé par la monotypie et la définition un peu trop étroite de son brevet ,Hoyle Schweitzer ne pouvait que garder son produit tel quel et conseiller un immonde bidouillage à base de chiffons ou de tours de scotch grey tape pour bloquer le maléfique pied de mât baladeur..

Dès le milieu de la décennie 70 ce fut l’explosion de la planche à voile , le thyphon, la tornade innovante et son cortège de délires avec des centaines de fabricants tentant leur chance …en particulier dans notre cher et vieux pays où , faute de dépôt de brevet on pouvait construire , copier, innover sans payer la moindre royaltie , le plus petit dollar , le moindre cent à Monsieur Windsurfer.

Avec le goût bien français pour les inventions de concours Lépine , ce fut la ruée , avec pas moins de trois cents et quelques fabricants de planches à voiles , d’accessoires et gadgets afférents lors du salon nautique 1980 au CNIT.



GRENOUILLES TRICOLORES ET REQUINS INTERNATIONAUX




Il y avait de tout, des fabricants de bateaux (Jeanneau et Beneteau s’y étaient mis , de même que Laser Performance Sailcraft , qui faisait sous traiter chez Sainval, ou encore Roga , producteur de 470 assez cotés à l’époque ) , des industriels du moulage ABS comme Rio ou Pop ou encore Bruno Sainval , basé à Vitrolles qui fit énormément de sous – traitance et courut au grand galop vers la faillite qu’il tentait d’éviter en produisant toujours plus .

Il y eut des artisans shapers (comme l’ancêtre Michel Barland mais aussi une kyrielle de petits nouveaux) des innovateurs fous comme cet ingénieur de l’aérospatiale , Jean Alphonse David qui produisait des planches (les JAD) indestructibles par le très exotique et très coûteux procédé d’enroulement filamentaire, des spécialiste du moulage de frigos et containers isothermes , des nouveaux venus au nautisme , des fabricants de pièces industrielles en polyester comme MIO (moulages industriels de l’Ouest), spécialiste des pièces pour aménager les locomotives et wagons ferroviaires, qui réussit à tenir une décennie avec la marque de planches Océanite .

Ailleurs en Europe on ne restait pas les deux pieds dans le même sabot et notamment en Allemagne , avec des marques sérieuses proposant des produits aboutis, efficaces et bien pensés comme Hi Fly, Fanatic, Sailboard, F2 (Fun and Function….un shaper farfelu lança l’éphémère marque F3 en détournant le logo avec un F3 signifiant bien entendu Fun, Fuck and Function..Kolossale rikolade ! ) …mais tous ces fabricants , auquel il faut ajouter Fred Ostermann, qui mérite un chapitre spécial pour sa Winglider, la première planche olympique… traînaient un boulet au pied qui les pénalisait face aux Fransozen : les royalties dues au coriace Mr Schweitzer qui les cantonnait dans le haut de gamme très cher.

Curieusement , en Angleterrre la mayonnaise véliplanchiste ne prit pas très bien : il y eut quelques exceptions notables comme les fabricants de voiles , Tushigham en tête, d’excellents shapers (l’Angleterre regorge de spots de surf méconnus, notamment à Jesey, Guernesey et en Cornouaille), des pratiquants passionnés et de bon niveau…mais pas de folie industrielle…traditionalisme est le maître mot outre – Manche

Il y eut .tout juste un fabricant de dériveurs de seconde zône qui tenta une synthèse entre dériveur solitaire minimaliste (Topper ou Minisail) et planche à voile en produisant une invraisemblable bouse, le Fusion qui se voulait la fusion des deux univers : une coque plate et large sur laquelle on pouvait gréer une voile cat boat verticale (avec une bôme coudée sans vit de mulet plantée dans une seconde emplanture derrière le mât…et quelques autres emplantures pour mettre un gréement de planche à voile avec wishbone et une adaptation étrange permettant de remplacer le safran par un aileron fixe….l’esprit de synthèse n’était pas dans le sens de l’époque, les véliplanchistes se radicalisaient , les sauteurs de vague qu’on commençait à appeler funboarders traitaient les planchistes conventionnels de mimiles et de ringards ….


La planète planche à voile explosait, partait dans tous les sens, explorait tous les délires et s’affranchissait des cadres rigides du sport encadré et organisé…et de la figure imposée du triangle olympique …au moment même où les fédérations sportives , La FFV (ex FFYV) l’IYRU (future ISAF) dépassées par les évènements venus de la base populaires (c’est hélas une habitude) se décidaient enfin à l’inclure dans le programme des Jeux Olympiques (pour l’édition de 1984 disputée en Californie (Los Angeles avec voile à Long Beach).


Le monde de la planche à voile était devenu un petit océan bouillonnant , un vivier de fabricants d’objets véliplanchesques où s’ébattaient mille et un petits et moyens poissons , fabriquant des planches à voile toujours plus diverses et tentant de satisfaire tous les goûts et toutes les tendances (saut de vague, slalom, free ride , ins and outs , débutants , progression , régate sur triangle en jauge monotype, régate sur triangle en jauge à restriction, course de longue distance et autres traversées de bras de mer par des champions autoproclamés et médiatisés , en rupture avec les cadres traditionnels des fédérations sportives, et même acrobaties par petit temps dites free style , dont le classement se faisait par notation , comme pour le patinage artistique et la voltige aérienne)..


Au beau milieu de tout cela Hoyle Schweitzer , toujours aussi entêté , tentait de conserver sa position (de plus en plus contestée ) de gros poisson numéro un….mais pas de chance pour lui, un gros requin tricolore , pas regardant sur les moyens , homme d’affaires brutal rompu aux brutalités du commerce à l’américaine venait d’entrer dans l’aquarium…il s’agissait du Baron Marcel Bich.


Roi, et même empereur mondial du crayon à bille , du briquet et du rasoir jetable , Marcel Bich avait dépensé des fortunes pour s’implanter aux USA, et s’était ridiculisé en se ramassant gamelle sur gamelle dans la coupe de l’America , compétition vénérable, alors disputée sur des bateaux d’une époque révolue , les 12 M JI, longs , étroits et lourds couloirs lestés dont l’ incroyable angle de remontée au près ne parvenait pas à compenser la lenteur au portant.

Pourtant le Baron Marcel y avait mis le prix , dépensé des fortunes sur un bateau construit près de la frontière suisse, monté une base d’entraînemnt à La Trinité, puis à Cannes….mais il avait commis des erreurs , refusé de déléguer, avait viré avec pertes et fracas des skippers managers compétents ( comme Yves Louis Pinaud , l’entraîneur national de la FFYV ou les talentueux barreurs comme Poppie Delfour ou Louis Noverraz)

Il avait même intronisé , puis foutu à la porte, Tabarly- pas vraiment un régatier sur 3 bouées – avant de prendre lui même la barre et de se couvrir de pipi face aux Australiens en régates sélectives …même si on sait maintenant que les Australiens avaient triché en utilisant une aide électronique (un Loran) pour se dépétrer d’un banc de brume où le bateau français s’était paumé.


La presse nautique , tant française qu’étrangère s’était bien gaussée , l’écrivain Jacques Perret allant jusqu’ à le portraiturer en Styobikos , Navigateur Mythologique dans un article tordant.


Mais là où le Baron Marcel s’était montré malin c’est en récupérant sur le terrain du Buisness ce qu’il avait perdu entre trois bouées à Newport…
Son personnage , ses cafouillages , son côté directo – dictatorial , son irruption tonitruante dans le milieu feutré des Yachtmen aristocratiques de la côte Est, tout cela avait alimenté les gazettes US et fait le bonheur des journalistes américains , amateurs de story telling et de personnages plus grands que nature….




Piteux ratés des bateaux France 1, puis 2 et 3 dans l’America Cup, certes , mais promotion publicitaire sensationnelle et lancement réussi des rasoirs et stylos Bic de l’autre côté de la mare aux harengs….


Voici maintenant que le vorace et dictatorial baron débarquait dans le monde à peine né des fabricants de planche à voile….


MARCEL STYLOBIKOS, TUEUR IMPITOYABLE

Pourquoi, comment ?

Tout simplement parce que Ce bon baron Marcel avait eu l’idée de créer un pôle nautisme et qu’il avait racheté diverses affaires de nautisme, dans l’hexagone et ailleurs.

Il avait fait main basse sur le chantier Dufour à La Rochelle, en difficulté quand le créateur Michel Dufour s’tait un peu dispersé après les succès du Sylphe et surtout de l’Arpège, excellent voilier habitable de course croisière…affaire peu rentable suivant les critères Bic, qui veut du volume avant tout et qu’il revendra plus tard à un consortium italien

Il avait aussi englouti un fabricant de coques de noix populaires basé à Vannes , les établissements Marcel Tabur qui fabriquaient industriellement , avec des feuilles de polyéthylène moulées puis moussées de petites annexes dénommées Sportyak , Tabur Yak (notez la référence au yachting pour ces embarcations minuscules) , capables de nageoter en eaux calmes de naviguer à l’aviron , ou vaguement à la voile (une voile en toile à chemises)
ou encore un mini hors bord de trois chevaux….bref de l’utilitaire , du populaire , du pas prestigieux…mais , par chance pour le baron , l’usine de Vannes qui produisait ces peu prestigieuses embarcations avait un outil industriel performant et capable de fabriquer en quantités énormes des planches à voiles certes un peu fragiles (les mauvaises langues disaient jetables, comme les rasoirs et briquets ) mais pas chères de chez pas chères avec cependant des marges ultra juteuses…et çà , là on était en plein dans la culture maison de Bic..






Comme le chantier Dufour avait encore une belle image de marque la première planche vendue 2500 francs de la fin des années 70 fut marketée sous le nom de Dufour et baptisée Wing , promue agressivement avec circuit de régates soutenus par le fabricant et bénies par la FFV (ce circuit révéla notamment le tout jeune planchiste néo Calédonien Robert Teerithéau qui allait devenir une coqueluche médiatique, souvent au bras de pulpeuses starlettes de télévision entre deux surfaris) .



En affaires Marcel était brutal et quand il pouvait faire un coup juteux , il fonçait bille en tête, la question des brevets ne l’avait jamais arrêté , il avait racheté à des conditions très avantageuses le brevet du crayon à bille à son véritable inventeur (le hongrois Laszlo Biro) , il s’était frotté aux managers américains en négociant le rachat des stylos Waterman , il connaissait les avocats US et la manière de s’en servir, que ce soit dans le droit des affaires ou sur le tapis vert de l’America Cup…face à lui Schweitzer, l’ex revendeur d’ordinateurs ne faisait tout simplement pas le poids ….et le Baron Marcel désirait exporter ses planches à voile , même s’il fallait faire sauter le brevet et ruiner Hoyle Schweitzer.


PRECURSEURS OUBLIES… ET AVOCATS SURPAYES


Ce fut fait , et méthodiquement : Les avocats et les détectives privés de Bic fouillèrent et trouvèrent un petit article d’un journal anglais pour ados , datant de 1958 et montrant un petit jeunot de 17 ans , un certain Peter Chilvers , originaire de Hayling Island (spot de voile réputé) qui avait construit une primitive planche à voile rectangulaire en contreplaqué , à peine plus hydrodynamique qu’une porte Lapeyre et avait grée dessus une voile faite d’un drap piqué dans l’armoire à linge de maman et tendue sur un mât fait de manches à balai raboutés.

Détail importantissime, la voile était articulée sur la planche par deux pitons de quincaillerie emboîtés l’un dans l’autre (une forme ultra primitive de cardan à deux degrés de liberté) et se pilotait debout avec une bôme double tenue à la main (également en manches à balais) ….Peter Chilvers n’était jamais devenu un champion de voile (même s’il a ouvert une école de voile pour enfants défavorisés) ou un milliardaire, juste un modeste mécanicien spécialisé dans la réfection des vieilles Rolls Royce …mais l’antériorité du brevet Schweitzer Drake était attaquable et les coriaces avocats du Baron Bich kidnappèrent quasiment le brave Peter Chilvers pour le faire témoigner et se lancèrent à la curée comme une meute de chiens .


Bich gagna son procès , aux Etats-Unis , contre un citoyen américain et qui plus est le jugement fit jurisprudence et est encore étudié dans les facs de droit dès qu’il est question de brevets et d’inventivité….mais la déconfiture de Schweitzer ne s’arrêta pas là .

Mis en goût, les avocats suisses de Mistral déterrèrent un citoyen américain , un certain Newman Darby , qui dès 1964 avait bricolé et vaguement breveté une planche (tout aussi rectangulaire) et une voile en losange (façon vieux cerf volant ) tendue par un mât vertical et une bôme horizontale formant croix latine….la séduisante Mme Darby , Naomi, apparaissait glissant telle une sirène en bikini blanc sur la Susquehanna River , un fleuve de Pennsylvanie.

Newman Darby et son épouse pilotaient leur boardsailer dos à la voile , un peu comme un Jésus Christ en croix , inventant le free style avant l’heure…les photos ne montraient pas d’articulation à la Cardan, le mât se calait plus ou moins dans un creux mais le texte indiquait qu’un pied de mât pivotant d’un dessin différent (et non spécifié) était disponible en option « pour les pratiquants plus avancés »..là encore les avocats de Schweitzer se firent exploser la tronche en cour de justice, Mistral coupa net le robinet des royalties.




En 1984 un fabricant australien de planches à voile , appâté par l’odeur du sang dénicha….oui vous avez deviné….un petit kangourou prodige encore plus précoce (1949) nommé Richard Eastaugh qui avait dès l’age de 12 ans construit des canoés en fer blanc (une vingtaine ) propulsés par un gréement libre et qu’on pouvait piloter assis mais aussi debout…là encore fin des Royalties pour Windsurfer qui asphyxiée, dépassée , ruinée par les procès fit faillite en 1989…


Ces empoignades autour des droits intellectuels firent les délices de la presse nautique , qui auraient parfaitement pu déterrer un encore autre précurseur méconnu :




Vers 1968 ou un peu plus tard un architecte français , Lucien Gril avait élucubré le Skail une planche à voile trapézoidale (ressemblant assez aux planches de débutant actuelles ultra larges , les Blue Velvet au point de vue outline et dimensions ) , mais avec un plan antidérive pour le moins étrange : une dérive sabre très peu profonde mais très large , dans un puits interminable ressemblant à une fente de dérive pivotante …et en guise de voile un mini deltapane triangulaire tendu sur une armature de tubes d’alu en forme de A majuscule renversé (le planchiste posant le A sur la pointe et manoeuvrant avec la barre horizontale du A…

J’ai bien connu le Skail mais pas son créateur , vu que Lucien Gril , ancien moniteur aux Glénans avait dessiné les bâtiments de feu le club nautique des Mazières à Draveil et en partie ceux du CESM, le club que je préside…


Devant l’insuccès commercial de son Skail (qu’il avait fait produire en série , d’abord en polyester , puis en ABS moussé ) Lucien Gril, abandonnant la voile pour la vie familiale et professionnelle sérieuse, avait fait don au club de quelques exemplaires invendus , avec lesquels j’ai pu faire joujou , en 1976 deux ans avant que la planche à voile ne débarque vraiment dan les centres de voile …

Le skail naviguait au vent arrière avec la majesté d’une botte de foin se trainait en crabant au vent de travers et ne remontait guère au près mais bon c’était encore un précurseur méconnu …un obscur témoin pour l’histoire venu rappeler qu’une bonne idée n’est rien sans une solide mise au point.


CANULAR MEDIATIQUE ET MOUSTACHES EN GUIDON DE VELO


La farce alla encore plus loin quand la revue Voiles et Voiliers , qui à cette époque avait un lectorat de moins de soixante dix ans de moyenne d’âge et s’intéressait à la voile légère, lança un monstrueux canular…. : La planche à voile avait été inventée par un français , Martin d’Estreaux et ce dès 1910 ….

Marc PG Berthier, journaliste de Vet V, et joyeux drille à ses heures avait fait fabriquer une sorte de périssoire pontée à clins en acajou, un gréement à corne style cotre breton tendu sur des baguettes de bambou , avec une voile percée de deux gros trous soigneusement ourlés pour passer les main et saisir la bôme quelle que soit l’amure, plus un vit de mulet à cardan en bronze pour articuler le mât sur le flotteur.



La supercherie était basée sur des photos sépia mais aussi en couleurs (procédé dit autochrome , qui existait vraiment en 1910) de personnages en costumes 1900, maillots de bain à rayures, moustaches en guidon de vélo et canotier pour le hommes….. robes claires , corsets et chapeaux fleuris pour les dames dans une ambiance de canotage à la Guy de Maupassant.

Le tout s’accompagnait de lettres , de dessins (réalisés à la plume sergent major sur des cahiers d’époque ) qui documentaient les hésitations , les essais et les perfectionnements du pseudo inventeur de l’engin (baptisé vélivole) , réputé disparu au champ d’honneur en 14 – 18.

Tout le monde y crut, faut dire que c’était bien imité, et la fausse invention de la planche à voile en 1910 figure encore dans un livre des inventions de la très sérieuse collection Gallimard jeunesse.

Si Google avait existé dans les années 80 il aurait été facile de démonter le truc , vu que St Martin d’Estreaux est le nom d’une petite commune paumée quelque part au cœur de la France profonde entre Moulins (Allier) et St Etienne (Haute Loire) , ce que j’ai découvert en prenant un itinéraire de délestage pour fuir l’A6 encombrée et hors de prix cet hiver…mais en attendant quelle rigolade, aux dépens de ce pauvre Hoyle qui avait endossé bien malgré lui le rôle du gros méchant…et qui était tombé sur bien plus méchant que lui…



Rétrospectivement les bonnes âmes diront que Schweitzer aurait dû se comporter en industriel, lancer une gamme de planches plus séduisantes et plus diversifiée pour épauler la windsurfer monotype (d’ailleurs son fils Matt s’était lancé dans le saut de vagues et ne décollait plus de s plages d’ Hawaiï devenue la Mecque des funboarders radicaux.

LASEROLOGUE
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Re: Histoire de la voile Légère

Message par LASEROLOGUE » 12 janv. 2014, 14:24

IL y a du nouveau ôté revue de l'AFL , à la demande générale , elle reparaît en version papier et il y a un article sur l'histoire de la planche à voile, très chiant à lire, bourré de digressions aussi sottes que grenues, mais bon , dans un souci d e documentation des futures générations de voileux..

Planche à voile : Le vent de folie

(Folie créatrice bien entendu )

Cette révolution là je l’ai vécue en direct, même si je n’étais pas dans les tout premiers épisodes (forcément j’étais dans le milieu voile traditionnel et la planche à voile alias windsurf , comme le Sunfish et le Hobie cat d’ailleurs, est née au bord des plages , chez les surfers).


COQUILLAGES et CRUSTACES

Ah ! la plage , monde enchanté de l’enfance (tous les jeux, du château de sable au voilier jouet frêle comme un papillon de mai (Merci Rimbaud !) en passant par le cerf volant, la pêche aux crevettes, et le creusement de trous qui parfois mettent au jour une pièce de vingt centimes datant de la IV° république) de l’adolescence (d’autres jeux, différents et plus sportifs et avant tout celui de la drague quand la soirée se prolonge et que le coucher de soleil se fait glorieux et qu’on a son propre cheval –à deux roues et à moteur – pour emmener sa belle vers la boîte à la mode…si seulement elle a la permission de minuit)….moins de l’âge adulte (on est père ou mère de famille et on a des enfants qui jouent pendant que soi - même on paye les vacances et on supporte les chutes de ballons , le gonflage des bouées canard, les bambins bruyants , et la frustration de ne plus être l’Adonis ou la Sirène qui attire les regards) .. monde entre la terre et l’eau qui se teinte à nouveau de magie, mais empreinte de nostalgie, à l’approche de la vieillesse (tous les jeux auxquels on a pas joué, car ils étaient trop chers , trop sportifs , ou pas encore inventés… toutes les filles qu’on n’a pas osé draguer, ou auprès desquelles on s’est pris un râteau comme ils n’en ont pas chez Jardiland…aaah souvenirs de plage , désirs de plage, regrets de plage ! ).

La plage, ce continent de toutes les magies a crée ses codes , ses lois , son étiquette vestimentaire, et surtout, en vrai lieu d’oisiveté où il est de bon ton de faire quelque chose, ses jeux bien spécifiques innombrables, protéiformes, naissant et mourant au gré des modes aussi éphémères que la beauté fugace d’une nymphette en bikini :

Le beach volley, le Jokari, les agrès , tyroliennes et autres acrobaties du Club Mickey, les joujous volants propulsés par un élastique de lance pierre ou retenus au bout d’un fil de nylon, les boules de pétanque en plastique aux couleurs criardes remplies d’eau, …et puis ses jeux aquatiques, plongeoir, waterpolo, ses esquifs à peine navigables, matelas et bouées gonflables en forme de requin, de canard, de crocodile , gondolys , pédalos, canoés et bibs pneumatiques propulsés avec des pagaies ultra fragiles qui cassent au plus mauvais moment, bouées tamponneuses propulsées par un minuscule moteur hors bord et surmontées d’une queue de dauphin en polyester faisant parasol, skis et gadgets tractés derrière un vrombissant canot à moteur, et évoluant parfois dans les airs comme le wake kite , dériveur léger qui n’est pas forcément tout à fait à sa place car le départ dans les rouleaux demande de la technique et peut coûter cher en cas de loupé, catamaran qui s’en sort nettement mieux , quoique …pas toujours et puis bien sûr le Roi des Rois de tous les sports de plage …j’ai nommé le Surf




POLYNESIE … CALIFORNIE (ET PAYS BASQUE)


Roi incontestable des sports de plage , le Surf était aussi sport de rois, le jeu des rois d’Hawaï et de toute la Polynésie, comme le yachting fut celui des têtes couronnées d’Europe et des rois de l’industrie capitaliste américaine.


Interdit par les missionnaires protestants lâchés comme des corbeaux de mauvais augure sur les paradisiaques iles du Pacifique au XIX° siècle le surf survécut par miracle et finit par conquérir Hollywood dans l’immédiat après guerre (nous avons narré cela, et parlé du légendaire surfer « Duke » Kahanamoku à propos du Sunfish).

De là , avec la dominance culturelle du cinéma d’Hollywood , le surf est parti à la conquête des USA , d’abord , puis du monde entier…le lien avec l’industrie du spectacle a toujours été très présent et très fort :

En France ce sont les techniciens américains d’une équipe de cinéma ( Le cinéaste Etatzunien Peter Viertel, époux de la sublime Deborah Kerr, venu dans les années 50 tourner à Biarritz en compagnie d’ Ernest Hemingway et du boss Darryl Zanuck pour les besoins de son prochain film « Le soleil se lève aussi ») qui ont introduit ce sport chez nous, les deux premiers adeptes tricolores étant deux jeunots basques , Jo Moraïz et le regretté Michel Barland , un gaillard aussi large que haut avec un accent du sud ouest aussi sonore et puissant qu’une grosse déferlante tapant dans le rocher de Biarritz.

Biarritz étant une station huppée, ce sport a assez vite capté l’attention d’un aristocrate parisien villégiaturant dans le coin (Joel de Rosnay, frère du controversé Arnaud dont on reparlera) qui en a fait un must pour snobs sportifs, et aussi de bricoleurs fous qui se sont lancés dans la fabrication de planches et d’équipements comme Barland, talentueux shaper / surfer, déjà nommé, mais aussi le pittoresque Georges Hennebutte, un roi du caoutchouc néoprène et du kayak gonflable , également inventeur d’un canot pneumatique de sauvetage balnéaire , dénommé l’espadon, capable d’affronter sans se retourner les énormes rouleaux de la côte basque et de secourir les imprudents baigneurs et baigneuses entraînés au large malgré eux par les redoutables courants tournants (dits courants de baïne) de ces côtes en prise directe avec la puissante houle du golfe de Gascogne.

L’Espadon, breveté Hennebutte, mérite une brêve digression / description : Imaginez un zodiac classique , à fond mou , quille gonflable et plancher de bois, mais avec un nez relevé en l’air comme l’érection de Casanova et un tableau arrière bien mal nommé , puisque collé au milieu de la coque et portant le moteur, obligatoirement équipé avec volant et commandes à distance, rejetant le pilote à l’extrême avant, tandis que les boudins et leurs cônes en forme de nichons felliniens surdimensionnés se prolongent loin en arrière, le but étant évidemment de pouvoir passer les déferlantes de face sans se retourner comme une crêpe…un engin au look loufoque, mais plutôt bien pensé et que les postes de sauvetage de la côte basque utiliseront fidèlement des décennies durant, jusqu’à l’arrivée des jets skis (véritables purulences nautiques que je vomis comme de la bile glaireuse, mais qui ont le mérite de pouvoir passer avec une certaine aisance dans les rouleaux …sans hélice à tronçonner le baigneur à demi noyé qu’on tente de repêcher).


LOOK et PANOPLIE


Le surf a inspiré des modes et inventé des objets les plus divers :

Incontournable : Le surf board autrement dit la planche elle-même, parfois moulée industriellement (pour les plagistes loueurs) mais souvent sculptée artisanalement, d’abord dans des bois légers comme le williwilly , une essence hawaïenne, ou le balsa, puis dans de la mousse de polyuréthane spéciale, étincelante, blanche et légère comme de la neige cristallisée, merveilleusement enrobée de composite verre résine avec une finition polie glacée qui permet de voir en transparence une décoration peinte allant du bicolore sobre , façon écusson de petit baron du XIII siècle au bariolage psychédélique pétaradant de couleurs réalisé par un artiste qui n’est pas tout à fait redescendu d’un trip à la mescaline ou au LSD.


Mais le surf ne serait pas le surf s’il se limitait seulement à une planche de surf surmontée d’un surfer glissant au milieu du surf déchaîné (surf çà veut dire zône déferlante , eh analphabète !).

Autour du surf il y a aussi d’autres objets presque incontournables qui ont sauvagement déferlé au milieu de la culture mainstream et sont devenus autant d’icônes et d’objets du désir

Citons côté vêture le bermuda coloré couvert de gaffitis au style ethnique (Australo Aborigène ,Mexicain , Eskimo ou Marocain , c’est selon) …avec les T shirts et les pantalons du même métal et les claquettes larges comme des pneus de Formule 1, le surfwear est devenu tellement connu , limite banalisé, que ce n’est pas la peine d’insister.

Côté transports Il y a l’indestructible vélo à gros pneus pour le pré ado surfer qui n’est pas encore en âge de chasser les spots en automobile et qui peigne la côte en pédalant avec son surf sous le bras.
C’est le célèbre beach cruiser de la très US maison Schwinn, un vélo qui s’orne d’un inutile pseudo réservoir de moto profilé en goutte d’eau, style vielle Harley ou Indian, un truc pour te faire croire que toi aussi , mon p’tit gars , tu seras bientôt motorisé comme il sied à tout enfant du rêve américain ….

Après , une fois atteint l’âge de 16 ans (là bas le permis c’est 16 ans ) le surfer peut rouler les mécaniques en vieille américaine customisée, en pick up avec sono, ou encore chasser le spot de rêve et la vague parfaite à bord de sa capsule spatiale personnelle , doublée d’un lit de repos / chambre d’amour , j’ai nommé le minibus VW Combi .

N’oublions pas non plus la paraffine antidérapante parfumée (très artificiellement , les esters odorants c’est la base de la chimie de la séduction) à la banane, mangue, fruit de la passion ou à la noix de coco (la fameuse Mr Zog’s Sex Wax…pour laquelle Wikipedia US croit bon de préciser que ce nom provocateur a été choisi par le boss de l’entreprise, très imprègné de la contreculture Hippie des années 60…et qu’il ne faut surtout pas s’en servir comme lubrifiant sexuel !!! (Sont fous ces ricains,…. ce truc aussi efficace que collant a la consistance du savon de Marseille ou de la cire de bougie ).



DIVERSIFICATION ET EXPORTATION


Le surf est aussi sorti de l’eau (tel les dipneustes et autres poissons à pattes en pleine évolution darwininne) pour aller sur le bitume (le skateboard, , en attendant le speed sail dont on causera plus loin) sur la neige (où il a détrôné le monoski) .




Il a même bousculé le ski nautique (inventé à la base par des chasseurs alpins des années 30 bien de chez nous qui avaient nettement forcé sur le Génepi) en popularisant un étrange hybride , le wakeboard et en imposant la position « de côté » , avec le pied gauche en avant (goofy) ou le droit (regular) de préférence à la position « dans le sens de la marche » qui vient du ski alpin …pour les bambins que leurs parents prudents ne veulent pas laisser affronter les déferlantes, il y a aussi le skimboard, pour les vaguelettes de l’extrême bord de plage…un engin qui occasionne son lot d’entorses , de fractures et d’hématomes, à défaut de morsures de requins ou de noyades.



STARISATION ET MEDIATISATION

Le cinéma d’Hollywood s’est goulûment jeté sur le surf et le film de surfers s’est fait une place comme un genre à part entière, d’abord avec des films ensoleillés , optimistes et un peu nunuches dans les années 50/60 , telles les aventures et les peines de cœur d’une surfeuse format polly pocket (la série des Gidget où le personnage titre fut incarné par quatre ou cinq actrices successives, de Sandra Dee à Cindy Carol en passant par Sally Field dans l’adaptation TV, puis dans des films plus construits comme le documentaire « endless summer –l’été sans fin » où Mike Hynson et Robert August laissent tout tomber pour faire le tour du monde des plus belles vagues des deux hémisphères (le Surf comme raison de vivre) .

Plus récemment (en 1991) Hollywood a redoré le film de surfers , mais dans un mode plus noir, moins naïvement optimiste avec braquages de banques pour financer les surfaris, drogue et flingues (la guerre du Vietnam et la fin des illusions de l’époque hippie et de la contreculture étaient passées par là) , c’est « Point Break » de Kateryn Bigelow , qui vient, vingt ans plus tard, de réaliser un film haletant et sinistre sur l’éxécution extrajudiciaire de Ben Laden.

Les acteurs Patrick Swayze et Keanu Reeves y gagnèrent de l’épaisseur au Box office, mais dans les scènes d’action c’est la doublure qui est la vraie vedette : Darrick Doerner, un animal accro aux très grosses vagues , en marge du circuit des compétitions officielles , un personnage en marge d’autres choses aussi, connu pour donner force coup de boules et autres bourre –pif à qui se permettait de lui piquer « ses » vagues ou de venir de loin surfer sur « sa » plage…

Dans les années 60 et 70 où tout n’était que pop music, à la charnière du rock et de la zique planante , le surf , devenu une culture à part entière ,a eu ses hymnes et ses bardes, au premier rang desquels les Beach Boys , groupe composé des frères Wilson et de quelques potes dont un seul savait un tout petit peu surfer..et encore avec la grâce d’un fer à repasser.

Ca faisait gentiment ricaner les vrais pratiquants du noble sport des rois d’Hawaï qui venait d’embrasser son époque, celle de la contreculture , des hippies, et des cigarettes prohibées à base de pakalolo (la marijuana des hippies californiens dont la culture s’était exportée sous les cieux enchanteurs des îles du Pacifique)….çà finira mal, avec la guerre du Vietnam en toile de fond.
Les Beach Boys n’étaient pas les seuls porte drapeaux de la surf music, il y eut aussi le duo Jan and Dean..et quelques imitateurs.
Les paroles des chansons des Beach Boys ne causaient pas que de surf , elles causaient aussi beaucoup de bagnoles (Shut down, Little Deuce Coupé) de motos (little Honda) et surtout de filles (Barbara Ann, California Girls, And I kissed Her…)….et en dehors du surf , des bagnoles , des motos et des filles……. de pas grand-chose d’autre.

Ces paroles n’avaient rien de très intellectuel , si on les traduit, elles sont aussi niaises que du Johnny Hallyday (C’est peu dire) mais elles sont portées par une musique pêchue et entraînante , à la charnière du rock initial et de la pop sucrée..


Ces chansons sont un remède garanti contre la morosité et dans notre époque moins souriante elles claquent comme des étendards, des symboles d’une époque révolue où les USA avaient encore du pétrole facile à extraire sous leurs derricks , du boulot pour tout le monde, de l’optimisme à revendre…ainsi qu’ une image de marque intacte en politique , avec Kennedy en porte drapeau, un icône dont on a depuis décapé le vernis pour découvrir du pas très propre.

GEOPOLITIQUE, TERREUR ATOMIQUE ET DELIRE D’INGENIEUR

C’est au beau milieu des riantes années 60 , où tout semblait possible , où la guerre froide et son cortège de mensonges et de saloperies n’empêchait pas d’être optimiste , et de rêver à la conquête de l’espace et à un futur idyllique .


Car la guerre froide a eu son bon côté, comme le dit le proverbe anglais à propos des nuages qui ont toujours leur doublure d’argennt:

Werner von Braun, nazi à peine repenti, encore jeune mais depuis longtemps expert dans l’art de murmurer à l’oreille des militaires de haut grade, Allemands ou US , peu importe , avait convaincu les généraux et les politiciens US de l’intérêt de conquérir l’espace .

(Qui tient la mer domine le monde disait l’Amiral – stratège US Mahan en 1870…qui tient l’air domine le monde lui répondait en écho le Général italien Giulio Douhet, le visionnaire du bombardement stratégique …et ce dès 1910, alors même que les biplans de toile et bambou peinaient encore à emporter un pétard de 14 juillet..)


Avec Werner von Braun, en 1950 on en était à : « qui tient l’espace domine le monde », et comme il l’avait fait pour les militaires nazis , WvB était parvenu à mettre les généraux et les amiraux US…et les dollars de l’oncle Sam au service de ses rêves mégalos de station spatiale, de voyages sur la lune , sur Mars et au-delà…

Comme en plus , les Russes , mais aussi les Français avaient eux aussi fait main basse sur les spécialistes allemands des sinistres fusées V2 de Peenemunde, des gens très discrets sur la façon dont les fameuse fusées stratosphériques étaient construites en grande série par des ouvriers esclaves venus de l’univers atroce des camps de concentration…eh bien la course à l’espace était née, comme l’a fort bien raconté l’écrivain américain Tom Wolfe dans l’étoffe des Héros un roman qui fut excellemment adapté au cinéma.


Le congrès US , dans une ambiance de parano fort bien décrite par un autre incontournable film (Docteur Folamour de Stanley Kubrick, qui est un Everest du film d’humour noir) ouvrit tout grand le robinet à dollars pour en inonder la vieillissant NACA (organisme d’Etat US chargé de la recherche aérodynamique….

Au fait, jeune lasériste qui baillez dans un coin, le joli profil en aile d’avion de la dérive du Laser est justement un profil NACA , un 0008 pour être précis tandis que le safran se contente d’un 0012 réputé moins décrocheur…mais je peux me tromper).



Le poussiéreux et ringard NACA (National Advisory Comitee for Aerodynamics cad Comité Consultatif National pour l’Aérodynamique) disparut sous l’inondation de dollars gouvernementaux et se réincarna en la délicieuse et richissime NASA (National Administration for Space and Astronautics ) une charmante et plantureuse créature cousue d’or qui attira la fine fleur des savants, des ingénieurs , et des équipes de recherche , appâtés par des budgets illimités, des grands gamins qui prouvèrent une fois de plus que la seule différence entre les enfants et les adultes c’est le prix de leurs joujoux.


De nos jours le lancement d’une fusée interplanétaire fait moins de buzz médiatique que les dérapages cocainés de Paris Hilton ou les coucheries de Dominique Strauss Kahn..mais dans les années 60 le monde entier était pendu aux infos venues des centres de recherches spatiales et tout le monde croyait voir dans l’ Espace (les soviétiques préféraient parler de Cosmos ) la solution de nos problèmes bassement terrestres et la promesse d’un avenir meilleur et illimité.

Aujourd’hui , nous savons que la solution de nos problèmes, même si elle est au fond de l’espace , ce qui reste à prouver, est de toute façon inatteignable avec les moyens actuels (et même ceux d’un futur de moyen terme) et qu’il nous faut nous concentrer sur la préservation de notre terre , pauvre chaloupe de sauvetage surchargée et, sinon unique, du moins bien esseulée dans la galaxie ….


Les (centaines de ) milliards pompés dans la recherche spatiale nous auront au moins appris cela ..et donné quelques beaux bénéfices accessoires comme des prévision météo fiables , la géolocalisation sans sextant et sans sortir de Polytechnique, les télécommunications intercontinentales en deux coups de cuillère à pot…et même les écrans de télévision auto convergents qui ne clignotent pas et neigent encore moins .





Les ingénieurs passent pour le plus sûr moyen de mettre sur la paille une firme prospère, loin , très loin devant les femmes et les jeux de hasard et là, même avec les milliards de l’oncle Sam , il fallut assez vite se calmer , saborder notamment le projet grandiose d’avion fusée piloté (le X20 « Dyna Soar » qui se réincarna plus tard sous forme de la coûteuse et peu fiable Navette Spatiale qui ne tint pas ses promesses et finit tristement)…mais entre temps le ingénieurs en folie avaient pu se lâcher grave et élucubrer tout et n’importe quoi ayant un rapport plus ou moins lointain avec le voyage spatial (depuis les repas lyophilisés jusqu’à la jeep électrique pliable roulant sur des pneus en treillis de titane et stockable dans un porte parapluie ).


Bien entendu un cerveau fécond des jeunes et talentueux ingénieurs de la NASA, qui sont aux années 60 ce que les computer nerds et le numeric geeks sont à notre époque, ne s’arrête pas de fonctionner quand se termine le boulot et que sonne l’heure (l’happy hour) du beer call,
L’apéro de fin de boulot des ricains …

Quand le cerveau d’un ingénieur de la NASA passe du mode travail au mode sports et loisirs , il s’en passe de belles : A l’évidence un tel être d’exception ne saurait se contenter des sports et autres distractions déjà inventées, il lui en faut de nouvelles , ou au strict minimum , réinventer totalement les anciennes.


Francis Rogallo , par exemple pourrait passer pour le père, voire le grand père spirituel de ces ingénieurs fous lâchés dans le monde du loisir…vu que dans les années 60 il frisait déjà la cinquantaine

Cet aérodynamicien talentueux avait commencé sa carrière à la NACA , future NASA et avait travaillé sur des parachutes pilotables que le parachutiste puisse diriger à sa guise et sur de longues distances .

En effet le parachutiste militaire est prié de ne pas se disperser , de rester groupé avec ses petits copains , et de ne pas se laisser flotter au gré des vents …

L’efficacité guerrière d’un « stick » de parachutistes est inversement proportionnelle à la vastitude du terrain où les paras se retrouvent disséminés au terme de leur descente, un inconvénient qui a longtemps fait préférer le très vulnérable et très dangereux planeur d’assaut où les troupiers aéroportés restent ensemble jusqu’à l’atterrissage …même si cet atterrissage est parfois synonyme de mort en groupe.


Francis Rogallo élucubra un parachute triangulaire avec trois longerons disposé en éventail séparés par deux demi cornets de frite en mylar…un matériau nouveau , ultra léger et ultra résistant que la puissante firme chimique Du Pont de Nemours venait juste d’inventer….

Le parawing de Rogallo était sans doute trop novateur pour les militaires, qui cependant le testèrent dans tous les rôles et toutes les configurations , y compris pour le retour sur terre des capsules spatiales….mais Rogallo réussit néanmoins à faire décoller sa petite invention.

Il la vendit d’abord sous forme de jouets d’enfant (des cerf-volants ultra efficaces et bien plus facile d’emploi que les traditionnels losanges mal stabilisés une queue faite d’une guirlande de papillottes multicolores).

Du jouet il passa à la grandeur réelle, d’abord en version vol à voile , puis avec un petit moteur , inventant d’un seul coup le deltaplane (vous l’aviez reconnu j’imagine)et l’ULM .


Son invention, qui eut un immense et durable succès permit de re - démocratiser les sports aéronautiques , qui avaient connu un renchérissement et un embourgeoisement galopant après première phase de démocratisation dans les années 30, et dans notre bonne vieille France, avec l’Aviation Populaire…et les invraisemblables créations du bricoleur fou et ingénieur du dimanche que fut Henri Mignet , créateur des très controversés « poux du ciel ».

Les braves gens de la génération de mes parents en voyant à la télévision les ULM de Rogllo et de ses disciples (c’était une des coqueluche des magazines de loisirs dans la première moitié des années 70) disaient d’ailleurs : « tiens on en revient au pou du ciel », tant le peu poétique acronyme ULM leur était parfaitement inconnu… »mais non papa , c’est un U…L….M, un Ultra Léger Motorisé »... « bah , çà existait déjà, mon garçon c’était même très à la mode du temps de Tino Rossi, quand j’étais en culottes courtes ».


Comme Henri Mignet (et contrairement à pas mal de pilotes de poux du ciel et de deltaplanes , dont le très regretté Bruno Guillen, grand champion de Laser des années 80 qui se tua en Australie au cours d’une tentative de record de vol en delta) Francis Rogallo vécut vieux , quasi centenaire et s’éteignit paisiblement en 2009….

il n’ya a pas de bons pilotes , il n’y a que de vieux pilotes…et Mr Rogallo devait être un sacré bon vélivoliste, tout comme son compatriote Woody Brown , le grand père du Hobie cat dont je vous causerai une autre fois.

Le père direct du Hobie Cat fut Hobart Alter …un grand surfer devant l’éternel qui va nous servir de transition pour revenir en Californie à l’élément liquide et à un autre délire récréatif inventé par un ingénieur de la NASA, à savoir le windsurf, aussi connu chez nous sous le nom de planche à voile, un terme moins exotique mais on a échappé à « pou à voile » ou « pou du Yachting » .

BEACH BOYS, BAD BOYS ET REFUS DE PRIORITE


L’idée de coller une voile sur une planche de surf n’est pas nouvelle, les polynésiens l’avaient sans doute déjà eue , vu qu’ils utilisaient parfois de vieilles pirogues pour surfer et en tous cas elle a vite été adoptée par la Dawn Patrol ainsi que s’appellent entre eux les surfers les plus matinaux .

( Dawn patrol : la patrouille de l’aube , le titre d’un célèbre film d’aviation d’Howard Hawks…décidément on n’en sort pas, l’aviation est élevée au rang de mythologie aux USA)


Les surfers amateurs de belles vagues lisses , capables de se lever à l’aube (pour çà il faut se limiter sur les filles et la fumette , se coucher à une heure pas top déraisonnable et jouir d’une belle santé) raffolaient donc des grosses vague dont la crête est rebroussée par un vent de terre (en Californie , certains vents de terre, comme le Santa Ana sont très violents et transforment les grosses déferlantes en piste de descente lisses comme du verre (glassy waves ) .


Comme le Santa Ana et ses potes soufflent vers le large, bien renforcés par la très classique brise de terre matinale , le patrouilleur surfer de l’aube désireux de s’économiser la corvée de pagayage (absolument épuisante, j’ai testé pour vous-même si c’était modestement à Jersey et pas en Californie) pour remonter vers le point break (le point de déferlement) et le line up (l’alignement de surfers qui attendent la vague , à califourchon sur leur planche)..


Eh bien, le Dawn Patroller un peu mariole et agile se mettait debout, et improvisait une voile avec un T shirt tenu entre les dents et à bout de bras, histoire de garder ses forces pour la suite , pour le très rapide pagayage dans le sens de la vague qui permet de se lancer avant les autres dans la pente et avoir ainsi la priorité, une priorité qui était de plus en plus chèrement acquise avec le développement du surf.



Sur certains « spots » de Californie la saturation de avait d’ailleurs été assez vite atteinte avec pour conséquence des bagarres , une mentalité localiste très déplaisante (bourre pifs , coups de boule et pneus crevés pour « le sale étranger » venu de la plage situé trois kilomètres plus loin)….et au-delà, la transformation des plus acharnés surfers en globe trotters cherchant au Mexique et plus loin encore des vagues moins fréquentées au cours de voyages interminables
(les Surfaris ) qui finissaient parfois en semi clochardisation et en défonce à la Marijuana .



En établissant une voile plus efficace qu’un T shirt trempé sur une planche de surf , il était évident pour tout surfer pas trop atteint par les herbes magiques qu’on pourrait accéder à des terrains de jeux encore vierges, à des vagues aussi inaccessibles et aussi belles que des étoiles d’Hollywood , sans craindre les crétins à la mentalité localiste, sans bourre pif ni coup de couteau dans les pneus et sans devoir abandonner les études et le boulot pour un surfari-dérive à l’issue parfois bien triste…


Restait à inventer la chose (pas si difficile quand la technique est mûre et que l’idée est dans l’air) à la finaliser (plus difficile, car longue est la mise au point et le Diable se cache dans les détails) puis à la commercialiser (fastidieux) et qui sait à encaisser les dollars (nettement plus agréable même si point trop n’en faut).









BREVETS, AVOCATS ET EMBROUILLES EN BERMUDA

Ce qu’il y a de bien avec les grandes inventions c’est que souvent ça nourrit les polémiques entre historiens , çà entretient le chauvinisme cocardier, et , surtout aux USA, qui ont la fibre chicanière , çà engraisse les avocats.

Christophe Colomb est le découvreur de l’Amérique, officiellement, mais les Scandinaves se parfument d’y être allés bien avant (les voyages de Leif Eriksson dit Leif l’Heureux , puis d’Erik le rouge , deux fiers Vikings du 10° siècle) et les pêcheurs bien français de Fécamp et Boulogne (qui avaient découvert Terre Neuve et la côte canadienne mais en bons pêcheurs taiseux n’avaient pas soufflé mot de l’emplacement de leur mine de morue fraîche , aujourd’hui irrémédiablement épuisée par la surpêche) et ce facilement cent ans avant le marin génois de la reine Isabelle d’Espagne.

Dans tous les bouquins d’histoire français on vous dira que l’inventeur de l’aviation est Clément Ader et ce dès 1890 alors que les Américains assènent avec force que le premier vol motorisé d’un plus lourd que l’ air est à mettre au crédit des frères Wright…mais en 1903…

Bouteille moitié vide…ou moitié pleine …la vérité est entre les deux, on sait aujourd’hui que la chauve souris d’Ader, propulsée par une étonnante machine à vapeur (plus efficace que les premiers moteurs à explosion nés vingt ans après) a bel et bien décollé, mais , contrairement au « flyer » des Wright brothers , elle était absolument incontrôlable en vol, la faute à Ader ,lui-même , ingénieur génial mais égocentrique et bossant en solitaire , sous le sceau du secret militaire, qui avait voulu tout réinventer lui-même alors que divers précurseurs (l’anglais Cayley, le français Pénaud…) avaient défriché le terrain , expérimenté, publié dans des revues scientifiques et produit des planeurs modèle réduit parfaitement stables et contrôlables.


A la base de la planche à voile moderne on va retrouver comme inventeur officiel un autre ingénieur aéronautique de très grand talent, esprit libre et visionnaire, passé par la NASA mais aussi et surtout par les usines secrètes de l’avionneur militaire Rockwell et son bureau d’études semi secret (la RAND corporation , une pépinière d’ingénieurs aussi talentueux que discrets)….j’ai nommé Jim Drake…pas connu de vous ?, inconnu au bataillon ? Kicéçulà… ?…

Nôôôôôrmaaal, la plupart de ses travaux , effectués sous la chape de plomb du secret militaire, au plus fort de la Guerre Froide est encore classée top secret, most secret, secret défense , classifié, vérrouillé , planqué dans des coffres forts militaires, kif kif Clément Ader (déclassifié par l’armée depuis 1990 seulement !)…et comme Jim Drake au paradis des surfers et des aviateurs depuis 2012 (il était né en 1929) ne comptez pas aller l’interviewer pour en savoir plus.

On sait seulement, ou on croit savoir, que ce génie aéronautique , que ses employeurs (Rockwell , puis North American Aviation) prêtèrent ou plutôt louèrent très cher directement au ministère de la défense US bossa une bonne partie de sa vie sur des ICBM , des missiles balistiques intercontinentaux, charmants joujoux porteurs de bombes atomiques, qui auraient pu (et peuvent encore) détruire des pays entiers et rendre la terre inhabitable .

Ecrasante responsabilité , perspectives apocalyptiques ( Mieux vaut en rire jaune , comme Kubrick et son Docteur Folamour, ou encore Boris Vian et son inénarrable Java des bombes atomiques) quand on bosse avec de tels enjeux , mieux vaut avoir une saine distraction pour se purger corps et esprit et régénérer sa force de travail , et en bon californien , Jim Drake avait choisi la voile (avec un notamment un Sunfish, qui comme nul n’ignore est dérivé d’une planche de surf) et le surf proprement dit.


En 1964, au cours d’une discussion d’après boire avec son ex boss de chez Rockwell, qui muté au Pentagone à Washington , voulait faire le mariolle en traversant la rivière Potomac sur des skis nautiques tirés par un cerf –volant (le Kite surf trente ans avant les frères Legaignoux encore un visionnaire !) Jim Drake conseilla plutôt l’adaptation d’une voile sur une planche de surf et se promit de s’y mettre dès son retour à son nouveau job à lui , un truc ultra secret sur une base aérienne de San Bernardino en Californie…

L’idée prit tout son temps pour maturer sous le soleil de Californie et c’est en 1967 seulement que Jim Drake tenta l’adaptation d’un cardan, ou joint universel , à deux degrés de liberté, pour fixer la voile sur la planche , un système qui permettait de faire varier la position du centre de voilure par rapport au centre de dérive et donc de diriger l’engin qui n’avait pas de gouvernail mobile mais un bête aileron fixe .


Jim Drake était un amoureux de la simplification …mais simplifier est une chose qui peut s’avérer redoutablement compliqué et Drake voyait parfaitement la complexité du problème qui consiste à maîtriser et à piloter un engin beaucoup trop simple où , selon l’expression du regretté Yves Louis Pinaud, « le véliplanchiste est tout à la fois le hauban , l’écoute, le gouvernail, le lest mobile et la tête pensante de l’engin. »

Plus Drake expérimentait et plus il se ruinait le dos à tenter de relever la voile (ce qui l’amena à inventer le tire ville de relevage) plus il se prenait le mât dans les couilles, ou sur la tête , plus il faisait de plongeons involontaires et ridicules…et en bon ingénieur de développement aéronautique il « embaucha » à titre bénévole un pilote d’essai .

Le pilote d’essai était un certain Hoyle Schweitzer, un surfer et négociant en matériel informatique (mais oui, déjà !) du coin dont la femme avait sympathisé avec celle de Drake alors que toutes deux étaient à la maternité, et que Mrs Schweitzer était enceinte du futur champion du monde de Windsurfer, le petit Matt Schweitzer.

En 1968 Jim Drake et Hoyle Schweitzer s’associèrent , payèrent en compte à demi un brevet portant sur la jonction voile / planche par un cardan et le contrôle de la voile par un wishbone (qui n’était pas une invention nouvelle).

Les pêcheurs d’huitres de Nouvelle écosse l’utilisaient sur leurs sharpie grées en cat boat dès la fin du XIX° siècle , et Tabarly venait de le remettre à l’honneur et d’en équiper sa goélette Pen Duick III pour exploiter un trou dans la jauge du RORC et atomiser tout le gotha du yachting anglais en remportant de façon retentissante la très convoitée course du Fastnet.

Hoyle Schweizer s’escrima, se prit le mât sur la tête , dans les tibias et ailleurs , bouffa de l’écume et cracha de l’eau salée, mais comme il était à la fois balaize et très souple , en plus d’être très têtu, il parvint vaille que vaille à maitriser le bestiau, dans des vents de plus en plus forts et des vagues de plus en plus grosses , et en titra des sensations de plus en plus exaltantes et fortes.

Les planches furent tout d’abord fabriquées par Hoyle dans son garage avant de tenter une production délocalisée (mais cameloteuse) à Taïwan (déjà la mondialisation à bas prix) et Schweizer se fit le promoteur et VRP de l’invention , qu’il balada de salon nautique en magasin de sports, de shipchandlers en clubs de plage ou de surf , tentant, tel un nouveau Mahomet de convertir les incroyants à sa nouvelle foi…

Il dut aussi se faire moniteur et pédagogue car le mode d’emploi était tout sauf évident et bien des acheteurs déconfits et trempés menaçaient de laisser tomber dès la première heure de non- navigation ponctuée de ploufs , de splashes et de coups de mât sur la tête et dans les vous-savez-quoi…

Les ventes furent longues à décoller et une certaine mésentente s’installa entre Schweitzer et Drake et ce dernier finit par passer à autre chose à la faveur d’un déménagement et d’un changement de job, abandonnant sa part de brevet à Schweitzer pour la somme non négligeables mais pas astronomique non plus de 36000 dollars US .

Resté seul maître à bord, Schweitzer , fidèlement secondé par madame et ses gosses, et au beau milieu de la faillite de son négoce personnel d’ordinateurs ( sans doute trop en avance sur son temps ! ) déposa la marque windsurfer en 1973, sélectionna des sous traitants fiables , améliora la stabilité du flotteur en copiant un gros « malibu » sculpté par le shaper surfer Matt Kilvin, et le fit produire industriellement aux USA par la société Elmer Good.

Pour animer, entretenir la flamme encore naissante et créer du lien entre les acheteurs du joujou, Hoyle Schweitzer , dont la vraie vocation était sans doute celle d’homme orchestre , se fit organisateur de régates « à la bonne franquette », dans le même esprit que la classe Sunfish et en retenant aussi la monotypie absolue , et la découpe de la voile par table traçante du petit nouveau, le dériveur Laser qui décollait comme une fusée dans tous les clubs de Californie et d’ailleurs.

Nul n’est prophète en son pays, et au début des années 70 les premiers clients étrangers furent allemands …des pilotes de ligne désoeuvrés de la Lufthansa, en transit à LAX (l’aéroport international de Los Angeles) qui ramenèrent tout bonnement les gros surfs à voile et leur mât en un seul morceau dans les soutes de leurs 747 ou DC10 , à titre de bagages personnels et entreprirent de naviguer sur les bords de la Baltique et dans l’île frisonne de Sylt, sur la Mer du Nord, où le vent est impétueux et les filles blondes comme les blés.

Un peu par hasard, un container de windsurfers prit le chemin de la Suède (faut être Viking pour véliplancher dans les eaux glaciales de Fjords )…et l’intérêt pour le nouveau sport s’éveilla en Europe, où la Windsurfer avait fait son apparition en même temps que le Laser dans des recoins sombres des salons nautiques de Paris et de Londres.

Schweitzer , homme d’affaires coriace et pas facilement découragé s’empressa de claquer ses premiers bénéfices en dépôt de brevets sur le vieux continent …il breveta en Allemagne , breveta en Angleterre , en Suisse et ailleurs mais en bon américain , il ignora ou méprisa ou négligea les mangeurs de grenouilles que nous sommes et ne déposa pas de brevet français …fatale erreur qui allait le conduire à la ruine , ou presque.


Il trouva à Almelo en Hollande une société spécialisée dans les textiles et les plastiques industriels (la maison Ten Cate) capable de produire sous licence les windsurfers en quantité industrielle.


Un consortium suisse flaira la bonne affaire (Pas d’argent, pas de Suisse dit un proverbe maintes fois vérifié) et acheta une licence avant de mettre en production une version un peu plus stable et mieux pensée de la windsurfer sous la marque Mistral, avec une articulation de pied de mât type diabolo en caoutchouc (un silentbloc de boîte de vitesses d’estafette de chez Renault) à la place du très joli cardan en inox, nylon massif monté sur un sabot de bois de teck qui était le signe distinctif de la « vraie windsurfer ».


Ce sabot de pied de mât était en fait un des talons d’Achille de la Windsurfer : enfoncé dans un trou rectangulaire il ne tenait pas très bien et se déboîtait toujours au pire moment : en plein relevage de la voile , lorsque le planchiste tire comme une mule sur le tire veille et a les jambes bien écartées et les pieds de chaque côté du mât pour contrôler la rotation de la planche …

La trajectoire verticale et ascendante du mât et de son cardan, ainsi libérés, est parfaitement définie et immuable à 99% : elle aboutit exactement entre les jambes du véliplanchiste et son énergie cinétique est parfaitement égale celle du coup de genou expédié au même endroit sensible par une championne d’arts martiaux qu’un individu du genre gros bolosse lourdingue aurait trop instamment importunée dans une boîte de nuit.


La Mistral suisse comprenait un pied de mât à diabolo, prolongé par une « carotte » crantée qui s’enfonçait dans un puits rond et bloquée en place par un ressort épingle en inox, une fixation largement plus efficace qui évitait les coups de mât dans les vous - savez - de - quoi je - cause.

Par la suite , les fabricants de planches ou d’accessoires s’ingénièrent à perfectionner ce petit détail crucial et à en chasser le diable matraqueur de coucougnettes qui s’y était caché.

la société Nautix, bien de chez nous, produisit pendant longtemps un pied de mât a expansion , très efficace , basé sur le principe des bouchons spéciaux qui permettent de reboucher hermétiquement une bouteille de champagne entamée .


Pendant ce temps , coincé par la monotypie et la définition un peu trop étroite de son brevet ,Hoyle Schweitzer ne pouvait que garder son produit tel quel et conseiller un immonde bidouillage à base de chiffons ou de tours de scotch grey tape pour bloquer le maléfique pied de mât baladeur..

Dès le milieu de la décennie 70 ce fut l’explosion de la planche à voile , le thyphon, la tornade innovante et son cortège de délires avec des centaines de fabricants tentant leur chance …en particulier dans notre cher et vieux pays où , faute de dépôt de brevet on pouvait construire , copier, innover sans payer la moindre royaltie , le plus petit dollar , le moindre cent à Monsieur Windsurfer.

Avec le goût bien français pour les inventions de concours Lépine , ce fut la ruée , avec pas moins de trois cents et quelques fabricants de planches à voiles , d’accessoires et gadgets afférents lors du salon nautique 1980 au CNIT.



GRENOUILLES TRICOLORES ET REQUINS INTERNATIONAUX




Il y avait de tout, des fabricants de bateaux (Jeanneau et Beneteau s’y étaient mis , de même que Laser Performance Sailcraft , qui faisait sous traiter chez Sainval, ou encore Roga , producteur de 470 assez cotés à l’époque ) , des industriels du moulage ABS comme Rio ou Pop ou encore Bruno Sainval , basé à Vitrolles qui fit énormément de sous – traitance et courut au grand galop vers la faillite qu’il tentait d’éviter en produisant toujours plus .

Il y eut des artisans shapers (comme l’ancêtre Michel Barland mais aussi une kyrielle de petits nouveaux) des innovateurs fous comme cet ingénieur de l’aérospatiale , Jean Alphonse David qui produisait des planches (les JAD) indestructibles par le très exotique et très coûteux procédé d’enroulement filamentaire, des spécialiste du moulage de frigos et containers isothermes , des nouveaux venus au nautisme , des fabricants de pièces industrielles en polyester comme MIO (moulages industriels de l’Ouest), spécialiste des pièces pour aménager les locomotives et wagons ferroviaires, qui réussit à tenir une décennie avec la marque de planches Océanite .

Ailleurs en Europe on ne restait pas les deux pieds dans le même sabot et notamment en Allemagne , avec des marques sérieuses proposant des produits aboutis, efficaces et bien pensés comme Hi Fly, Fanatic, Sailboard, F2 (Fun and Function….un shaper farfelu lança l’éphémère marque F3 en détournant le logo avec un F3 signifiant bien entendu Fun, Fuck and Function..Kolossale rikolade ! ) …mais tous ces fabricants , auquel il faut ajouter Fred Ostermann, qui mérite un chapitre spécial pour sa Winglider, la première planche olympique… traînaient un boulet au pied qui les pénalisait face aux Fransozen : les royalties dues au coriace Mr Schweitzer qui les cantonnait dans le haut de gamme très cher.

Curieusement , en Angleterrre la mayonnaise véliplanchiste ne prit pas très bien : il y eut quelques exceptions notables comme les fabricants de voiles , Tushigham en tête, d’excellents shapers (l’Angleterre regorge de spots de surf méconnus, notamment à Jesey, Guernesey et en Cornouaille), des pratiquants passionnés et de bon niveau…mais pas de folie industrielle…traditionalisme est le maître mot outre – Manche

Il y eut .tout juste un fabricant de dériveurs de seconde zône qui tenta une synthèse entre dériveur solitaire minimaliste (Topper ou Minisail) et planche à voile en produisant une invraisemblable bouse, le Fusion qui se voulait la fusion des deux univers : une coque plate et large sur laquelle on pouvait gréer une voile cat boat verticale (avec une bôme coudée sans vit de mulet plantée dans une seconde emplanture derrière le mât…et quelques autres emplantures pour mettre un gréement de planche à voile avec wishbone et une adaptation étrange permettant de remplacer le safran par un aileron fixe….l’esprit de synthèse n’était pas dans le sens de l’époque, les véliplanchistes se radicalisaient , les sauteurs de vague qu’on commençait à appeler funboarders traitaient les planchistes conventionnels de mimiles et de ringards ….


La planète planche à voile explosait, partait dans tous les sens, explorait tous les délires et s’affranchissait des cadres rigides du sport encadré et organisé…et de la figure imposée du triangle olympique …au moment même où les fédérations sportives , La FFV (ex FFYV) l’IYRU (future ISAF) dépassées par les évènements venus de la base populaires (c’est hélas une habitude) se décidaient enfin à l’inclure dans le programme des Jeux Olympiques (pour l’édition de 1984 disputée en Californie (Los Angeles avec voile à Long Beach).


Le monde de la planche à voile était devenu un petit océan bouillonnant , un vivier de fabricants d’objets véliplanchesques où s’ébattaient mille et un petits et moyens poissons , fabriquant des planches à voile toujours plus diverses et tentant de satisfaire tous les goûts et toutes les tendances (saut de vague, slalom, free ride , ins and outs , débutants , progression , régate sur triangle en jauge monotype, régate sur triangle en jauge à restriction, course de longue distance et autres traversées de bras de mer par des champions autoproclamés et médiatisés , en rupture avec les cadres traditionnels des fédérations sportives, et même acrobaties par petit temps dites free style , dont le classement se faisait par notation , comme pour le patinage artistique et la voltige aérienne)..


Au beau milieu de tout cela Hoyle Schweitzer , toujours aussi entêté , tentait de conserver sa position (de plus en plus contestée ) de gros poisson numéro un….mais pas de chance pour lui, un gros requin tricolore , pas regardant sur les moyens , homme d’affaires brutal rompu aux brutalités du commerce à l’américaine venait d’entrer dans l’aquarium…il s’agissait du Baron Marcel Bich.


Roi, et même empereur mondial du crayon à bille , du briquet et du rasoir jetable , Marcel Bich avait dépensé des fortunes pour s’implanter aux USA, et s’était ridiculisé en se ramassant gamelle sur gamelle dans la coupe de l’America , compétition vénérable, alors disputée sur des bateaux d’une époque révolue , les 12 M JI, longs , étroits et lourds couloirs lestés dont l’ incroyable angle de remontée au près ne parvenait pas à compenser la lenteur au portant.

Pourtant le Baron Marcel y avait mis le prix , dépensé des fortunes sur un bateau construit près de la frontière suisse, monté une base d’entraînemnt à La Trinité, puis à Cannes….mais il avait commis des erreurs , refusé de déléguer, avait viré avec pertes et fracas des skippers managers compétents ( comme Yves Louis Pinaud , l’entraîneur national de la FFYV ou les talentueux barreurs comme Poppie Delfour ou Louis Noverraz)

Il avait même intronisé , puis foutu à la porte, Tabarly- pas vraiment un régatier sur 3 bouées – avant de prendre lui même la barre et de se couvrir de pipi face aux Australiens en régates sélectives …même si on sait maintenant que les Australiens avaient triché en utilisant une aide électronique (un Loran) pour se dépétrer d’un banc de brume où le bateau français s’était paumé.


La presse nautique , tant française qu’étrangère s’était bien gaussée , l’écrivain Jacques Perret allant jusqu’ à le portraiturer en Styobikos , Navigateur Mythologique dans un article tordant.


Mais là où le Baron Marcel s’était montré malin c’est en récupérant sur le terrain du Buisness ce qu’il avait perdu entre trois bouées à Newport…
Son personnage , ses cafouillages , son côté directo – dictatorial , son irruption tonitruante dans le milieu feutré des Yachtmen aristocratiques de la côte Est, tout cela avait alimenté les gazettes US et fait le bonheur des journalistes américains , amateurs de story telling et de personnages plus grands que nature….




Piteux ratés des bateaux France 1, puis 2 et 3 dans l’America Cup, certes , mais promotion publicitaire sensationnelle et lancement réussi des rasoirs et stylos Bic de l’autre côté de la mare aux harengs….


Voici maintenant que le vorace et dictatorial baron débarquait dans le monde à peine né des fabricants de planche à voile….


MARCEL STYLOBIKOS, TUEUR IMPITOYABLE

Pourquoi, comment ?

Tout simplement parce que Ce bon baron Marcel avait eu l’idée de créer un pôle nautisme et qu’il avait racheté diverses affaires de nautisme, dans l’hexagone et ailleurs.

Il avait fait main basse sur le chantier Dufour à La Rochelle, en difficulté quand le créateur Michel Dufour s’tait un peu dispersé après les succès du Sylphe et surtout de l’Arpège, excellent voilier habitable de course croisière…affaire peu rentable suivant les critères Bic, qui veut du volume avant tout et qu’il revendra plus tard à un consortium italien

Il avait aussi englouti un fabricant de coques de noix populaires basé à Vannes , les établissements Marcel Tabur qui fabriquaient industriellement , avec des feuilles de polyéthylène moulées puis moussées de petites annexes dénommées Sportyak , Tabur Yak (notez la référence au yachting pour ces embarcations minuscules) , capables de nageoter en eaux calmes de naviguer à l’aviron , ou vaguement à la voile (une voile en toile à chemises)
ou encore un mini hors bord de trois chevaux….bref de l’utilitaire , du populaire , du pas prestigieux…mais , par chance pour le baron , l’usine de Vannes qui produisait ces peu prestigieuses embarcations avait un outil industriel performant et capable de fabriquer en quantités énormes des planches à voiles certes un peu fragiles (les mauvaises langues disaient jetables, comme les rasoirs et briquets ) mais pas chères de chez pas chères avec cependant des marges ultra juteuses…et çà , là on était en plein dans la culture maison de Bic..






Comme le chantier Dufour avait encore une belle image de marque la première planche vendue 2500 francs de la fin des années 70 fut marketée sous le nom de Dufour et baptisée Wing , promue agressivement avec circuit de régates soutenus par le fabricant et bénies par la FFV (ce circuit révéla notamment le tout jeune planchiste néo Calédonien Robert Teerithéau qui allait devenir une coqueluche médiatique, souvent au bras de pulpeuses starlettes de télévision entre deux surfaris) .



En affaires Marcel était brutal et quand il pouvait faire un coup juteux , il fonçait bille en tête, la question des brevets ne l’avait jamais arrêté , il avait racheté à des conditions très avantageuses le brevet du crayon à bille à son véritable inventeur (le hongrois Laszlo Biro) , il s’était frotté aux managers américains en négociant le rachat des stylos Waterman , il connaissait les avocats US et la manière de s’en servir, que ce soit dans le droit des affaires ou sur le tapis vert de l’America Cup…face à lui Schweitzer, l’ex revendeur d’ordinateurs ne faisait tout simplement pas le poids ….et le Baron Marcel désirait exporter ses planches à voile , même s’il fallait faire sauter le brevet et ruiner Hoyle Schweitzer.


PRECURSEURS OUBLIES… ET AVOCATS SURPAYES


Ce fut fait , et méthodiquement : Les avocats et les détectives privés de Bic fouillèrent et trouvèrent un petit article d’un journal anglais pour ados , datant de 1958 et montrant un petit jeunot de 17 ans , un certain Peter Chilvers , originaire de Hayling Island (spot de voile réputé) qui avait construit une primitive planche à voile rectangulaire en contreplaqué , à peine plus hydrodynamique qu’une porte Lapeyre et avait grée dessus une voile faite d’un drap piqué dans l’armoire à linge de maman et tendue sur un mât fait de manches à balai raboutés.

Détail importantissime, la voile était articulée sur la planche par deux pitons de quincaillerie emboîtés l’un dans l’autre (une forme ultra primitive de cardan à deux degrés de liberté) et se pilotait debout avec une bôme double tenue à la main (également en manches à balais) ….Peter Chilvers n’était jamais devenu un champion de voile (même s’il a ouvert une école de voile pour enfants défavorisés) ou un milliardaire, juste un modeste mécanicien spécialisé dans la réfection des vieilles Rolls Royce …mais l’antériorité du brevet Schweitzer Drake était attaquable et les coriaces avocats du Baron Bich kidnappèrent quasiment le brave Peter Chilvers pour le faire témoigner et se lancèrent à la curée comme une meute de chiens .


Bich gagna son procès , aux Etats-Unis , contre un citoyen américain et qui plus est le jugement fit jurisprudence et est encore étudié dans les facs de droit dès qu’il est question de brevets et d’inventivité….mais la déconfiture de Schweitzer ne s’arrêta pas là .

Mis en goût, les avocats suisses de Mistral déterrèrent un citoyen américain , un certain Newman Darby , qui dès 1964 avait bricolé et vaguement breveté une planche (tout aussi rectangulaire) et une voile en losange (façon vieux cerf volant ) tendue par un mât vertical et une bôme horizontale formant croix latine….la séduisante Mme Darby , Naomi, apparaissait glissant telle une sirène en bikini blanc sur la Susquehanna River , un fleuve de Pennsylvanie.

Newman Darby et son épouse pilotaient leur boardsailer dos à la voile , un peu comme un Jésus Christ en croix , inventant le free style avant l’heure…les photos ne montraient pas d’articulation à la Cardan, le mât se calait plus ou moins dans un creux mais le texte indiquait qu’un pied de mât pivotant d’un dessin différent (et non spécifié) était disponible en option « pour les pratiquants plus avancés »..là encore les avocats de Schweitzer se firent exploser la tronche en cour de justice, Mistral coupa net le robinet des royalties.




En 1984 un fabricant australien de planches à voile , appâté par l’odeur du sang dénicha….oui vous avez deviné….un petit kangourou prodige encore plus précoce (1949) nommé Richard Eastaugh qui avait dès l’age de 12 ans construit des canoés en fer blanc (une vingtaine ) propulsés par un gréement libre et qu’on pouvait piloter assis mais aussi debout…là encore fin des Royalties pour Windsurfer qui asphyxiée, dépassée , ruinée par les procès fit faillite en 1989…


Ces empoignades autour des droits intellectuels firent les délices de la presse nautique , qui auraient parfaitement pu déterrer un encore autre précurseur méconnu :




Vers 1968 ou un peu plus tard un architecte français , Lucien Gril avait élucubré le Skail une planche à voile trapézoidale (ressemblant assez aux planches de débutant actuelles ultra larges , les Blue Velvet au point de vue outline et dimensions ) , mais avec un plan antidérive pour le moins étrange : une dérive sabre très peu profonde mais très large , dans un puits interminable ressemblant à une fente de dérive pivotante …et en guise de voile un mini deltapane triangulaire tendu sur une armature de tubes d’alu en forme de A majuscule renversé (le planchiste posant le A sur la pointe et manoeuvrant avec la barre horizontale du A…

J’ai bien connu le Skail mais pas son créateur , vu que Lucien Gril , ancien moniteur aux Glénans avait dessiné les bâtiments de feu le club nautique des Mazières à Draveil et en partie ceux du CESM, le club que je préside…


Devant l’insuccès commercial de son Skail (qu’il avait fait produire en série , d’abord en polyester , puis en ABS moussé ) Lucien Gril, abandonnant la voile pour la vie familiale et professionnelle sérieuse, avait fait don au club de quelques exemplaires invendus , avec lesquels j’ai pu faire joujou , en 1976 deux ans avant que la planche à voile ne débarque vraiment dan les centres de voile …

Le skail naviguait au vent arrière avec la majesté d’une botte de foin se trainait en crabant au vent de travers et ne remontait guère au près mais bon c’était encore un précurseur méconnu …un obscur témoin pour l’histoire venu rappeler qu’une bonne idée n’est rien sans une solide mise au point.


CANULAR MEDIATIQUE ET MOUSTACHES EN GUIDON DE VELO


La farce alla encore plus loin quand la revue Voiles et Voiliers , qui à cette époque avait un lectorat de moins de soixante dix ans de moyenne d’âge et s’intéressait à la voile légère, lança un monstrueux canular…. : La planche à voile avait été inventée par un français , Martin d’Estreaux et ce dès 1910 ….

Marc PG Berthier, journaliste de Vet V, et joyeux drille à ses heures avait fait fabriquer une sorte de périssoire pontée à clins en acajou, un gréement à corne style cotre breton tendu sur des baguettes de bambou , avec une voile percée de deux gros trous soigneusement ourlés pour passer les main et saisir la bôme quelle que soit l’amure, plus un vit de mulet à cardan en bronze pour articuler le mât sur le flotteur.



La supercherie était basée sur des photos sépia mais aussi en couleurs (procédé dit autochrome , qui existait vraiment en 1910) de personnages en costumes 1900, maillots de bain à rayures, moustaches en guidon de vélo et canotier pour le hommes….. robes claires , corsets et chapeaux fleuris pour les dames dans une ambiance de canotage à la Guy de Maupassant.

Le tout s’accompagnait de lettres , de dessins (réalisés à la plume sergent major sur des cahiers d’époque ) qui documentaient les hésitations , les essais et les perfectionnements du pseudo inventeur de l’engin (baptisé vélivole) , réputé disparu au champ d’honneur en 14 – 18.

Tout le monde y crut, faut dire que c’était bien imité, et la fausse invention de la planche à voile en 1910 figure encore dans un livre des inventions de la très sérieuse collection Gallimard jeunesse.

Si Google avait existé dans les années 80 il aurait été facile de démonter le truc , vu que St Martin d’Estreaux est le nom d’une petite commune paumée quelque part au cœur de la France profonde entre Moulins (Allier) et St Etienne (Haute Loire) , ce que j’ai découvert en prenant un itinéraire de délestage pour fuir l’A6 encombrée et hors de prix cet hiver…mais en attendant quelle rigolade, aux dépens de ce pauvre Hoyle qui avait endossé bien malgré lui le rôle du gros méchant…et qui était tombé sur bien plus méchant que lui…



Rétrospectivement les bonnes âmes diront que Schweitzer aurait dû se comporter en industriel, lancer une gamme de planches plus séduisantes et plus diversifiée pour épauler la windsurfer monotype (d’ailleurs son fils Matt s’était lancé dans le saut de vagues et ne décollait plus de s plages d’ Hawaiï devenue la Mecque des funboarders radicaux.

LASEROLOGUE
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Re: Histoire de la voile Légère

Message par LASEROLOGUE » 12 janv. 2014, 14:29

MAGOUILLAGES OLYMPIQUES ET TURPITUDES FEDERALES


Toujours est il que Bich ne s’arrêta pas en si bon chemin : La planche était olympique et les JO 1984 devaient avoir lieu en Californie , dans le jardin de Schweitzer ….avec un format de régates parfaitement adapté à la Windsurfer monotype qui était à cette époque une classe très structurée, très puissante , avec des régates de haut niveau (et divisée en plusieurs catégories de poids , en plus du titre féminin)….

Il aurait été naturel que la Windsurfer soit retenue….mais c’ était compter sans cet impitoyable requin de Baron Macel : Les hiérarques de l’IYRU dans le genre de conclave feutré , biaisé et totalement opaque qu’ils affectionnent , pur style vaticanesque, avaient choisi le principe de la planche à voile aux JO mais n’avaient pas déterminé le modèle retenu…tout plaidait pour la Windsurfer (monotypie ,diffusion internationale , niveau des régates…) c’était sans compter sans le côté retors de Marcel, bien aidé par des considérations de politique internationale.


En 1980 les JO avaient eu lieu à Moscou (avec la voile à Tallinn en Estonie, qui à l’époque était encore incluse dans l’URSS) mais les américains et les anglais avaient boycotté les JO, dans un contexte de craquements dans le bloc de l’est, de financements occidentaux au syndicat catholique polonais Solidarnosc et de pré - éminence ultra conservatrice dans les pays anglo saxons ( Ronald Reagan et Margaret Thatcher étaient au pouvoir)…

La France , qui vivait la fin du mandat de Giscard n’avait pas boycotté …à l’exception notable de la FFV qui avait fait cavalier seul …et privé entre autres de JO à Tallinn deux ex Laséristes fort marris ( Eric Bornarel et François Lecastrec qui avaient marné pour rien pendant 4 ans en préparation olympique.) .

Autant dire que les autorités sportives du bloc de l’Est n’avaient pas apprécié le camouflet et la transformation des JO de Moscou en demi échec , avec une presse occidentale très peu favorable.


Bref , pour 1984, les délégués ISAF du bloc de l’Est, où l’ancien médaillé olympique de Star , le russe Pineguine jouait le rôle de commissaire politique , avaient écouté les sirènes anti américaines (les méchantes langues invoquent aussi d’autres moyens de conviction sonnants et trébuchants ) et s’étaient fait un plaisir de flinguer Schweitzer , l’américain , au profit de Fred Ostermann un allemand fabricant de planches à voiles moches et peu performantes dont la jauge interdisait l’usage du harnais …or Windglider, la boîte d’Ostermann, guère plus qu’une petite PME , à la limite du tilt financier venait d’être rachetée….par ce bon Marcel Bich , bien déterminé à piétiner un adversaire déjà à genoux…..


La politique fédérale , olympique et sportive a souvent des dessous pas propres …cela ne fit pas progresser le sport , la Windglider, fort peu appréciée ( les régatiers planchistes français , dont Robert Nagy , Gildas Guillerot, et Pierre Frank Mironneau qui régatent maintenant en Laser l’avaient surnommé la Vilain Glandeur)


A cette époque , les coureurs français dominaient la régate en planche de la tête et des épaules, la base populaire des pratiquants était énorme, et le représentant français aurait dû claquer la gold medal les fingers in the nose à Long Beach ….mais il fut disqualifié pour pomping ….avant que le pomping , qui était autorisé en France depuis le début ne le soit aussi au niveau international, pour l’olympiade suivante…


Depuis cette époque , on a toujours l’impression que la Planche à Voile est mal vue dans le milieu régatier, qui l’a admise par effet de mode médiatique mais sans vraiment l’accepter, pas très recommandable , pas du même monde, trop popu , trop en décalage avec le yachting traditionnel…et ce n’est pas la récente tentative de l’éliminer du programme olympique au profit du Kite surf (qui n’a pas atteint les chiffres fantastiques de diffusion de la planche à voile et qui s’est mis à son tour à plafonner)…bref , trop surfer pour être vraiment régatier.

Mais l’olympisme n’est pas tout, il ya aussi la régate locale et nationale et les pratiquants hors système…


SPORT DE MASSE ET PRISE DE TËËËËTE A LA FFV


(dont on se demande si elle serait fichue un jour d’organiser la voile comme un sport de masse si ce sport venait à se massifier pour de bon )



Le malheur veut qu’en France (et ailleurs ) on ait adopté dans les années 80 une jauge à restriction élucubrée par l’IYRU et l’éphémère fédération internationale de planche (l’IBSA) au lieu de se caler sur la monotypie…il se développa dans le cadre de cette jauge des planches qui étaient de véritables petits bateaux , à la carène ultra ronde , les planches dites Open de Division 2 (la jauge division 1 qui prévoyait des planches plus plates donc plus accessibles et la jauge Division 3 , pour les planches tandem à deux voiles et deux planchistes n’eurent guère de succès).


Les planches de D2 que j’ai pratiquées en parallèle au laser dans les années 80 (et où d’après les langues de vipère j’aurais pris la sale manie de pomper, ce qui est une basse calomnie) étaient fantastiques dans le petit temps et sur lac , elles basculaient sur la tranche dès qu’il y avait un peu de vent , en utilisant leur longue dérive comme un hydrofoil pour faire une vitesse et un cap invraisemblables .

En mer le tableau était moins glorieux : dès que le baston soufflait et que la mer se creusait, le vent arrière devenait une hécatombe, la planche D2, ronde comme un tonneau était ingérable ,la plupart des planchistes s’asseyaient sur l’arrière et effaçaient ainsi la plus grosse partie de la voile , tenue en parasol au dessus de la tête, puis dirigeaient le flotteur en freinant avec un pied ou une jambe, côté intérieur de la courbe .

Seule une petite poignée de super spécialistes , très entraînés , comme le jeune Piégelin , fils de l’ancien directeur de l’ ENV pouvaient rester debout sur une D2 par fort vent et grosse mer..

Au près comme au largue l’immense wishbone de la grande voile de 6M50 bottait et frottait dans l’eau dès qu’on naviguait en suspension au harnais , avec le plan de voilure incliné au vent de la verticale….

La jauge D2 évolua beaucoup , et la planche de régate perdit des pratiquants à chaque fois , échaudés par la course à l’armement , les changements fréquents de matos (autorisation de foot straps , passage de la voile à 7,5 M2, course à l’armement frénétique , recherche tous azimuts , présence de coureurs « usine » faussement amateurs et représentant une marque …

La FFV débordée essayait de gérer au mieux (à cette époque folle il y avait encore de vrais bénévoles en quantité, et ce jusqu’au sommet de la FFV ) mais était débordée et prisonnière de vieux schémas et de ses tendances bureaucratiques bien connues.

Lors de ma première vraie régate en planche D2 avec une merveille payée au prix fort auprès d’un ex champion, j’avais gagné ma catégorie (il s’agissait d’une interligue regroupant plus de cent cinquante pratiquants…sur la très modeste mare à canards des prés du Hem à Armentières) le jury m’informa que j’aurais bien la coupe mais que je ne pourrais pas être classé au Classement national des coureurs …car il était obligatoire d’ avoir fait des ligues avant de s’aligner en interligues …. La raison étant que lors des interligues disputées en mer et par fort vent les régatiers trop peu expérimentés donnaient du tintouin aux bateaux de sécurité…

Le classement des coureurs élucubré par un certain Alain Géry était infiniment plus compliqué que le classement Laser (comme on cherchait des petites mains pour organiser, il y avait des points pour ceux qui organisaient au lieu de régater, louable en soi, mais compliqué à gérer)…. La jauge d’un flotteuir ou d’une voile était un processus chronophage, utilisant un invraisemblable parallélogramme en laiton gradué sorti d’une malette spéciale en pseudo acajou , la moindre opération de jaugeage était un processus émaillé de contestations (coureurs « usine » intérêts de boutique…. bref la fédé était nettement débordée


THERE IS NO BUSINESS LIKE SURF BUSINESS

Débordés aussi les responsables des bases nautiques : Difficile à croire en 2013 mais dans les années 80 les étangs les plus modestes comme Créteil , Verneuil sur Seine , Saint Quentin en Yvelines ou Cergy Pontoise étaient remplis de planchistes tous les week ends , au point qu’on aurait presque pu traverser le lac à pied sec en sautant d’une windsurfer à une Sainval , puis de la Sainval à une Alpha, puis a une Sailboard, une skipper, une Pop surf, une Dufour , une Hifly, une Tiga , une shark surf, une Aquatta , une Wildfire alusurf (en aluminium) , une Sodim, une Océanite, une Impecco P18, une catasurf, une vélasurf, une windglider, une sailglider , une Crit, une Dobbelmann, une Croconuts , une Magnum, une F2 , une Mistral, une flysurf , une Daher Alto, une Aurora, une Jeanneau Wind 39, une Browning (oui, le fabricant de flingues) une TC 39, une Jet surf, une Reix, une Fountaine Pajot VMG, et même une Laser, mais oui ! …..(toutes ces marques ont vraiment existé et ma mémoire qui flanche m’empêche de vous en citer encore trois douzaines d’autres) …qui ont en général fini à l’état d’épaves couvertes de verdure sur un parking de club ou comme objet encombrant et invendable sur Le bon Coin trente ans après .

Certaines bases de loisirs croyaient avoir trouvé le pactole et mettaient des tarifs de navigation fort onéreux….A Cergy dont le lac , situé dans une boucle de l’ Oise n’était pas fini de creuser, les petits malins impécunieux mettaient à l’eau sur l’Oise ,passaient en catimini par la berge en portant leur engin et remettaient à l’eau sur le lac en se planquant derrière les installations des Sablières Modernes, malgré le surveillant qui avait l’œil collé aux jumelles pour repérer les planches dépourvues de la contremarque de navigation (un bête carré de contreplaqué pyrogravé artisanalement avec le millésime de l’année , que même un gamin de maternelle aurait pu contrefaire).

Les plus grosses marques marchaient allègrement sur les platebandes de la FFV en organisant leur propres compétitions , sous forme de tournées promotionnelles parfois soutenues par un sponsor avec régates , essais gratuits , dans le plus pur style caravane publicitaire et tournée des plages .


Lorsque Pierre Prieux et Patrick Dussosoy les deux jeunes directeurs embauchés par le Baron Bich pour diriger Dufour, (vite devenu Bic Sport pour faire une pub jeune et branchée aux briquets et aux stylos) claquèrent la porte , s’estimant trop peu payés ou pas assez reconnus ou les deux… , ils allèrent taper à la porte du fonds de reconversion des zônes industrielles sinistrées du Nord pas de Calais , se firent offrir gratis pro Deo une monstrueuse extrudeuse souffleuse , énorme machine outil à deux ou trois millions de francs et lancèrent une nouvelle marque , Tiga, qui cassa la baraque au début à coups de méthodes commercialo sportives ultra agressives …

Au plus fort de leur heure de gloire la tournée Tiga était un véritable cirque à faire pâlir de jalousie Sabine Rancy , Alexis Gruss, Pinder et une douzaine d’autres : quatre ou cinq semi remorques dont un équipé en podium avec sono, orchestre antillais , Ti Punch à gogo, animateur chanteur , directeur de course, roadies ,chapiteau, plus un paquet de coureurs semi pro , comme Erik Thieme et le shapeur gourou Hugues De Turckheim à la longue chevelure de hippie attardé.

Il y avait une finale nationale après sélections , sur le célèbre spot de l’Almanarre à Hyères et certains , dont j’étais, sélectionnés à la fois pour le Championnat de France FFV et la Finale Tiga (qui tombaient en même temps , fin août début septembre) préférèrent se rendre chez Tiga car la dotation en lots était nettement plus généreuse et la fiesta plus décontractée.


Cette politique promotionnelle avait un coût et quand le marché commença à saturer, vers la fin des années 80 , plus dure fut la chute , les marques tombèrent comme à Gravelotte et Tiga , en faillite fut rachetée…par Bic Sport qui en fit une sous marque destinée à vendre des produits un peu mieux finis et plus solides que les Bic de base.


L’économie a ceci de commun avec les vagues et le vent : après le pic le creux , après la tempêter, le calme , après l’abondance les vaches maigres…mais la planche à voile était vraiment quelque chose de spécial …au lieu de devenir une activité sportive stable et mature, elle partit dans toutes les directions et retomba presque aussi bas qu’elle était montée haut.



QUAND LA PUB S’EN MÊLE

( LA PLANCHE A VOILE, CE LUMINEUX OBJET DU DESIR)


Au plus fort de l’activité c’était devenu ce que les bons penseurs appellent un phénomène de société, voire une petite société bien à pat, avec ses rites , ses tribus , ses us et ses coutumes.

Dans notre société du spectacle qu’a théorisée le célèbre érudit Vire _ de _ bord (pardon… Guy Debord, je ne peux pas résister à un jeu de mots et surtout à un jeu de mots lamentable), dans notre société saturée d’images , le véliplanchiste avait apporté des images neuves …donc il y eut fascination et admiration


L’image faisait rêver : le véliplanchiste , suspendu sous sa grande aile blanche ou multicolore semblait effleurer l’eau sans effort , marcher sur l’eau : surhomme, homme oiseau ou nouveau Jésus Christ…cochez la case choisie..

L’admiration du spectateur était d’autant plus forte que le spectateur , pas tout à faut naïf quand même, avait essayé , ou connaissait quelqu’un qui avait essayé, et qui s’était : couvert de ridicule , cassé le dos , tapé quinze plongeons aussi comiques qu’involontaires, fait traiter de bouffon par les spectateurs plantés sur la berge, envoyé le mât dans les roupettes , fait douze ou treize ampoules aux mains (rayez les mentions inutiles).

La publicité s’empara du véliplanchiste et d’abord de sa voile , admirable espace publicitaire qui attirait tous les regards des badauds de bord de plage pleinement désoeuvrés et disponibles pour recevoir le message publicitaire.


Nul besoin d’être un champion ou même un régatier de quelque espèce que ce soit, de participer à la moindre compétition : le pratiquant fauché pouvait se procurer à moitié prix une voile du moment qu’il acceptait que cette voile vantât les mérites de : Citroën , Le Poisson Breton (Breiz Pesked enV.O.) , les vêtements Jean Claude Jézéquel, la bière Heineken, la bière Kronembourg, le rhum Bacardi, le Panaché Force 5 (celui là avait été engendré par le phénomène planche à voile et les campagnes télé étaient à thème surfesque) Orangina , la banque Populaire , la Société Générale , le crédit Lyonnais, les cigarettes Peter Stuyvesant (sous couvert de la filiale voyages ), la liqueur de menthe GET 27 , le Pastis sans alcool Pacific de Ricard (c’est fou ce qu’on picole chez les sponsors), n’en jetez plus , le temple est plein à craquer de marchands de tous poils , il ne manque que Tampax , Cochonnou, et le ptérodactyle de Clamart . (Je vous jure que toutes les marques citées sauf peut être les trois dernières ont vraiment cofinancé les voiles du planchiste moyen , à un moment ou un autre, et là encore, ma mémoire fatiguée en oublie)


La pub , la vraie , celle des écrans de télé s’empara avidement de la planche à voile de ses champions et plus encore de ses championnes : au moment de l’harmonisation des politiques économiques européennes (prélude lointain à l’ €uro, ce faux nez du deutschmark sauce Merkel) , le mot d’ordre était de réduire à 5% l’inflation annuelle ….un publicitaire brillant (forcément brillant eut dit Marguerite Duras) fit convoquer l’équipe de France de planche à voile (ENV à Quiberon par temps splendide et fort vent) planches « open D2 » Magnum compétition , voiles portant chacune un immense demi drapeau des diverses nations européennes , la voile « française » étant en plus affublée d’un énorme 5% ….

Parcours vent de travers à peine pipeauté sauf pour l’œil du régatier averti, scénario imparable : la voile 5% est bonne dernière mais le planchiste pompe comme un dingue (En fait , il est parti avec trente bons mètres d’avantage au vent que seul l’œil exercé suscité peut déceler) il pompe , il pompe (en abattant sournoisement) , gratte un par un tous ses concurrents « anglais » « allemand » « italien »…etc au prix d’un effort titanesque (gros plan sur ses biceps en plein effort) …il enroule la bouée en tête, c’est beau comme du Déroulède ou du OSS 117, une voix off commente, pleine de respect, et délivre sentencieusement LE message : « avec 5% la France est dans la course »…

Si c’est pas de la bonne propagande çà , Monsieur, enfoncés Goebbels et tous les Minculpop (MINistres de la CULture POPulaire) de Mussolini, une pub comme ça et la France est sauvée tiens, j’en ai la larme à l’œil.

Il y en a eu d’autres, beaucoup d’autres : déodorant Axe , Orangina , Renault 5 Série Limitée Tiga avec le beau surfer Laird Hamilton enlaçant une fausse Jenna de Rosnay déguisée en sirène, sur fond de planches Tiga décorées façon Tiki polynésien, un voyage hors de prix sous les tropiques pour toute une équipe de cinéma et le cauchemar de déménager tous les quarts d’heure la supercinq et le plateau de scène pour cause de marée montante (au jour d’hui on ferait la même chose sans bourse délier avec un bon logiciel computer graphics de derrière l’écran d’ordi)…

Beaucoup d’autres qui au-delà de l’écume des jours qu’est la publicité nous en disent long sur le statut quasi magique atteint par la planche à voile dans les années 80 :

Le windsurf où le pouvoir de faire vendre n’importe quoi, y compris un gros mensonge de propagande gouvernementale.

LES PLANCHISTES STARS (autoproclamées)
A L’ASSAUT DE L’ INUTILE
(Oui, mais de l’inutile sponsorisé et médiatisé, ce qui change tout)

Nous avons vu que la FFV , mais aussi les fédérations étrangères furent nettement (voire totalement) dépassées par le phénomène planche à voile : Elles organisèrent des compétitions ,certes de très haut niveau, JO obligent, mais dans le cadre étroit de ce qu’elles savaient faire , à savoir la régate entre trois bouées, qui n’a jamais attiré les spectateurs et encore moins les caméras de télévision et les sponsors (trop difficile à comprendre pour le profane, bien entendu).

Même si les fédérations officielles se mélèrent un temps de codifier et d’organiser le très turbulent fun board , l’enfant terrible de la plan- planche du sportif dominical (les compétitions de slalom, de course- racing, ins and outs, et surtout saut de vagues , organisées en circuit semi professionnel –la World Cup- ) ce fut avec des formats de course qui empruntaient beaucoup aux épreuves de surf, surtout pour les concurrents des épreuves de vagues , notées par des jurys issus du monde du surf.



Même si l’éphémère engouement du free –style (première époque , sur planches classiques , avec navigation sur la tranche , assis , puis debout , puis en faisant osciller la planche –la tranche rock and roll_, planchiste dans le wishbone , dos à la voile, en pirouettant autour du wish et du mât comme un gymnaste autour d’une barre fixe, sans les mains , sans les pieds , sans les dents ..) fut codifié et géré tant bien que mal à la manière des compétitions de patinage artistique , de gymnastique ou de voltige aéronautique , par un panel de jurés distribuant des notes , forcément contestables et souvent contestées.



Même si les planchistes de vitesse furent pris en main par l’auguste et so british WSSRC (World Speed Sailing Race Comittee), ….le microscopique et très indépendant sous - comité de l’IYRU spécialisé dans l’homologation des records de vitesse à la voile, présidé par un juge arbitre aussi britannique et aussi imprègné de vieux Whisky que Churchill en personne, un ex mèdecin _ pilote de l’aéronavale britannique deux fois torpillé en 39/45 et ancien parlementaire –conservateur- Sir Reginald Bennett, qui créa la Semaine de vitesse de Weymouth, un personnage « larger than life » décédé en 2000 à l’âge respectable de 89 ans , comme quoi le whisky est plus efficace que le formol pour conserver les conservateurs ).

Il faut dire que ces fous furieux (Jurgen Honscheid, Fred Haywood, Pascal Maka, Thierry Bielak, Feinan Maynard, Antoine Albeau) réussirent, jusqu’à la fin des années 2000 à culbuter tous les records de vitesse à coups de délires , d’inventions tous azimuts (le mât aile en carbone de Fred Haywood) de planches étroites comme des skis alpins et surtout de choix de spots radicaux où souffle un vent à décorner tous les cocus de la galaxie (Fuerteventura aux Canaries , le canal artificiel creusé exprès pour en Camargue dans un trou à mistral , ou encore la côte de Namibie , près de l’ancienne colonie Allemande de Ludderitz), relèguant le délirant catamaran Crossbow 2 et ses trente six nœuds chrono sur 500M (sponsoré par le roi anglais de la Moutarde sucrée , un certain Tim Colman) au rang d’escargot nautique affligé de paralysie.


Même si les organisateurs officiels, patentés, brevetés et reconnus par les autorités délégataires firent de leur mieux pour endiguer et canaliser la déferlante du windsurf, eh bien il se trouva des petits malins pour se lancer dans des compétitions dont ils fixaient eux-mêmes les règles , trouvaient eux même les sponsors, rameutaient eux même les médias (assez peu au courant des hiérarchies de ce sport en plein accouchement) et bien entendu encaissaient la gloriole et les espèces sonnantes et trébuchantes (quand il y en avait).



Il faut dire que le sport était tellement neuf , tellement foisonnant que les journalistes de la presse généraliste (et même ceux de la presse soi-disant spécialisée) peinaient à s’y retrouver.




Les compétitions « officielles » avaient certes établi des hiérarchies et consacré des champions , mais les fédérations officielles ne géraient réellement que la régate classique sur triangle, dans un cadre relevant de l’amateurisme (pas tout à fait amateur d’ailleurs , il y avait un peu de sponsoring et d’écuries d’usine, comme on dit en jargon motocycliste, mais avec des rétributions modestes qui feraient se pisser de rire dans son short le moindre footballeur de Division d’Honneur) ;

Problème (encore non résolu à l’heure actuelle, voir la récente America Cup que Larry Ellison a tenté de médiatiser à coups de dollars) , la régate entre trois bouées n’est pas vraiment un sport de spectateurs , la tactique et la stratégie nécessitent un énorme effort pédagogique et une débauche de computer graphics en surimpression (inconnus dans les années 80) pour être lisibles par le téléspectateur moyen .


Le Funboard avait choisi la voie du professionnalisme médiatisé , bien servi par le côté kamikaze des épreuves de saut de vague (quand le vent et les vagues étaient au rendez-vous c'est-à-dire une fois sur trois, voire moins ce qui irritait les sponsors et les médias) , bien servi aussi par le côté glamour et claquant de couleurs de cette belle et athlétique jeunesse , qui comptait dans ses rangs quelques sirènes abonnées aux couvertures des magazines féminins…

Mais ce professionnalisme, incarné dans une tournée mondiale style grand prix automobiles , là World Cup, reposait là encore sur une base économique aussi instable que les vagues déferlantes (voir plus haut) et quant aux rétributions , à part une toute petite poignée de vedettes , les prize moneys et le montant des contrats publicitaires auraient fait cracher par terre de mépris un tennisman de douzième série .


Le quart d’heure de célébrité médiatique était un incitatif aussi fort, voire plus, que l’argent et nombreux étaient les aspirants à la gloriole qui bien que bons véliplanchistes , n’auraient jamais pu éliminer Robert Nagy (venu d’ailleurs du dériveur , le Moth Europe) sur un triangle olympique ou auraient été absolument incapables tourner un forward loop plus audacieux que ceux de Robbie Naish ou de David Ezzy , l’ex skieur canadien totalement kamikaze ( Il fut viré de la pourtant très casse - cou équipe olympique canadienne de descente à ski – les Crazy Canucks- pour cause de prises de risques vraiment hors - norme, c’est tout dire ).


D’aucuns donc souhaitaient moissonner les lauriers de la gloire et voir leur petite gueule de surfer surfette en gros plan au journal télévisé et, la voie aride des compétitions officielles étant barrée par plus forts ou plus fous qu’eux , se mirent en tête de jouer suivant leurs propres règles.

Ils se mirent donc à lorgner du côté du seul sport vélique réellement compréhensible par le pékin moyen et réellement médiatisé, j’ai nommé la course océanique , les transats , transpacifiques et autres courses autour du monde ….et le fait que la planche à voile soit aussi peu apte à traverser un océan qu’ une avionnette d’aéro - club à aller dans la lune ne les arrêta pas un seul instant, le goût de la gloriole est une faiblesse humaine universelle qui se paye parfois très cher.

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pi.r
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Re: Histoire de la voile Légère

Message par pi.r » 13 janv. 2014, 11:42

grand merci Lasero :lii
je n'ai pas encore tout lu mais je vais le faire ce soir tranquille...aprés avoir fait une petite impression papier car les "vieux" fatiguent vite à lire sur un écran...
je vais enfin tout savoir sur la PAV qui ne m' a jamais tentée!!!! on m'en a pourtant donnée plusieurs... même une toute neuve et collector que j'ai redonné !

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PJ47
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Re: Histoire de la voile Légère

Message par PJ47 » 14 janv. 2014, 09:04

Sympas ce récap d'histoire de la PAV plein d'anecdotes :mrgreen:

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