IC10, le canoë international

Coin des propriétaires, discussions sur des bateaux en particulier
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Adrian
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IC10, le canoë international

Message par Adrian » 02 avr. 2014, 22:01

Bon, c'est vrai, je ne suis sans doute pas le plus qualifié pour en parler. J'ai assez peu navigué sur ce bateau jusqu'à présent et je n'en possède pas (encore) un moi-même. Mais ça fait quelques années que je suis de très près tout ce qui se passe de ce côté (il faut avouer que c'est assez vite fait).

Alors c'est parti les petits loups de mer!

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Un peu d'Histoire

Initié par les indiens Micmac, l'art de naviguer à la voile sur un canoë est très vite devenu un sport à part entière lorsque les Américains commencèrent à régater avec. Progressivement les designs se sont rapprochés des dériveurs: ils possèdent une dérive et un safran.

Vers 1900 apparait ce sui fait encore aujourd'hui l'identité du canoë international, sa fameuse planche de rappel. Dépassant à 1,50m du bord de la coque, il faut la faire coulisser sur l'autre bord à chaque changement d'amure.

En 1933, Uffa Fox (lire Sur la crête des vagues) met une grosse tôle aux Amerloques avec son propre canoë de Rosbif et leur fait adopter la jauge IC10. 10 correspondant au nombre de m².

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Uffa fox sur Solitary Snipe

La jauge évolue encore un peu avec l'adoption d'une planche courbe jusqu'à l'arrivée du design Nethercott. Le bateau est alors très abouti. Très pointu à faire naviguer avec sa coque longue (5,20m) et étroite (1m) et son très fort couple de rappel, le bateau reste limité à des navigateurs expérimentés et son statut olympique ne le rendra pas aussi populaire que d'autres bateaux qui auront pu utiliser les jeux comme une bonne publicité.

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Un IC10 Nethercott

Où en est-on maintenant?

Aujourd'hui, la classe est segmentée en trois catégories: les IC10 one-design (Nethercott et pré-Nethercott), les IC10 nouvelle jauge (la forme de la coque n'est plus limitée, ce qui donne des bateaux encore plus extrêmes),
et enfin les Asymetric Canoes qui reprennent la coque de la jauge One Design et ajoutent un spi asymétrique de taille illimitée (plus de 20m² en général), ce qui commence à relever du grand délire et nécessite généralement un troisième bras que les régatiers doivent habilement dissimuler en navigation.
Le nombre de bateaux en France est assez faible, sans doute moins de 40, et sans doute moitié moins si on compte ceux qui naviguent plus d'une fois par an.

En Europe, les régates ont lieu essentiellement en GB, la Suède et l'Allemagne ont également des flottes conséquentes. Il existe aussi des classes relativement vivantes en Australie et aux USA.


En pratique, qu'est-ce que ça vaut?
Le test d'Adrian

Tout commence à terre: gréer le bateau n'a rien de sorcier, mais une fois la planche de rappel installée, avec son look inimitable, les questions abondent autour du bateau et il faut alors enfiler une combinaison mal séchée et particulièrement malodorante pour faire reculer les curieux et finir de préparer son bateau en paix.

La mise à l'eau nécessite une cale ou une plage abritée, un départ dans les vagues me semble un peu compliqué. Quand le bateau commence à flotter, il faut fixer le mini safran (à peine 30cm) qui se situe sous la coque. Ca n'inspire pas trop confiance la première fois mais il est parfait. La dérive est pivotante sur certains bateaux mais la mode actuelle est aux dérives sabres, histoire d'ajouter un peu de piment aux arrivées de plage, sans doute. J'ai essayé avec dérive pivotante, c'était très bien comme ça.

Une fois à bord, on ne sait pas très bien où se mettre. Dans les petits airs, inutile de sortir la planche de rappel: son propre poids suffit à faire contregîter le bateau. On a tendance à se reculer car il n'y a pas vraiment la place de s'asseoir sous la bôme (30cm entre la planche de rappel et la bôme, l'ergonomie n'est pas la priorité), ce sui n'est pas bon pour la glisse évidemment. Alors on adopte une position à califourchon sur la planche, la bôme juste au-dessus du buste, un peu comme si on avait organisé un concours de limbo tout seul.
Lorsqu'on s'est familiarisé avec l'environnement réduit et la stabilité précaire (mais pas insurmontable), on peut regarder un peu autour de soi. Et là... Même dans un pet de mouche, l'IC10 glisse sans bruit en laissant un sillage discret. Essayé près d'un RS800 immobilisé, je pouvais tourner à côté sans problème. Top.

Ceci dit, ce n'est pas seulement un bateau de pétole. Quand le vent monte, le bateau montre son vrai potentiel, et on entre dans une autre dimension. Il devient indispensable de bien synchroniser le passage de la planche de rappel pendant les manœuvres, son seul poids suffit en effet à tout faire foirer, surtout si elle vient plonger dans l'eau. Pendant les manœuvres, on doit passer derrière la planche, et même derrière la voile. La bôme est basse mais courte, et le chemin le plus rapide est de se reculer derrière ces deux obstacles pour pouvoir circuler plus librement d'un bord à l'autre. Un peu gênant pour l'assiette du bateau, heureusement on a de bonnes relances pour compenser.

Au rappel, tout au bout de la planche, la sensation est grisante. Plus encore qu'au trapèze au bout d'une échelle de skiff. On fait corps avec le bateau et on sent qu'il ne faut pas grand chose pour que le fragile équilibre s'arrête net. A ce niveau de rappel, c'est que le vent est déjà bien monté (avec mes 60kg et quelques, dans 15 nœuds c'était déjà la guerre). Le bateau fume et se montre très maniable. Le mini safran s'avère d'une finesse exemplaire. Les sensations et la précision de la barre rappellent le RS600 mais le comportement de la coque est très différent. On ne ressent pas le planing comme sur un autre dériveur. La coque très étroite ne déjauge pas réellement, elle fend l'eau comme une torpille, un peu comme une coque de cata, et l'accélération semble pouvoir se poursuivre indéfiniment... Jusqu'au dessalage. Parlons-en: si le bateau se croûte à la contre gîte, la planche flotte et remonte à la surface, ça fait ça de moins à gérer, pour le reste c'est assez facile à redresser, la coque est fine, elle roule rapidement sur elle-même et on peut aisément remonter à bord au moment où le bateau revient sans se mouiller.

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Pour rappel, j'ai essayé ce bateau en régate. Le dessalage relaté s'étant produit au moment du départ, je suis parti avec un gros désavantage. Pourtant, au près je rattrape sans forcer des concurrents qui devraient me larguer. Calé au rappel en bout de planche, pieds sous les sangles (qui sont dans l'axe de la planche, il faut s'habituer), l'équilibre se gère uniquement à la barre et ça fonctionne très bien. Parti avec une bonne minute de retard, je suis à la bouée au vent dans le peloton.

Toujours cette impression de foncer sans rencontrer de résistance, si j'avais quelques kilos de plus, je pourrais probablement tirer encore un peu plus sur le bestiau et gagner encore un ou deux nœuds.

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Abattée sauvage et c'est parti pour un rodéo au portant. Sans spi, dans un vent qui monte à 20 nœuds, l'image de la torpille prend tout son sens. Je n'ose pas mettre d'angle dans la barre. La coque passe dans les vagues et à genoux derrière mon banc je serre les fesses. Voiles en ciseaux, ça fonce toujours plus, la coque passe sous l'eau sans freiner et je prends plein d'embruns pour nettoyer un peu ma combi qui pue toujours autant. Si je m'avance jusqu'à la planche de rappel le bateau enfourne sévère et ce qui doit arriver arrive, je continue le rinçage de ma combi dans l'eau.

En conditions moins musclées, le bateau est plus gérable, mais il faut être vif. La coque est très basse sur l'eau. A l'arrière elle fait moins de 10cm d'épaisseur, ce qui permet de voir immédiatement si on gîte un peu trop. Une gîte ou contre gîte trop marquée fait décrocher le mini safran.

Bref, tout est une question de sensations et de dosage, comme toujours en voile, mais c'est encore plus vrai sur ce bateau que l'on veut pouvoir apprivoiser et qui devient très vite addictif.

En plus de son look atypique, il gaze vraiment bien. Les tables de rating FFV le classent entre le 29er et le 505. Avec un spi il joue (normalement) devant les RS700 et Musto Performance Skiffs. De quoi se faire vraiment plaisir à condition d'accepter d'aller à la baille assez souvent.


Plus d'infos sur l'IC10:
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Re: IC10, le canoë international

Message par Egareg » 03 avr. 2014, 09:56

Belle présentation !

Ca donne vraiment envie d'essayer !

J'aime beaucoup l'image de la torpille ! :twisted:

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Re: IC10, le canoë international

Message par PJ47 » 03 avr. 2014, 15:24

Super récit, on s'y croirait....

Une petite question technique : comment se fait le déplacement de la planche de rappel (à la main? avec un bout?) Comment tiens t'elle bloquée en position?

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Re: IC10, le canoë international

Message par pi.r » 03 avr. 2014, 15:33

PJ47 a écrit :Super récit, on s'y croirait....
+1

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Re: IC10, le canoë international

Message par Adrian » 03 avr. 2014, 18:43

PJ47 a écrit :Super récit, on s'y croirait....

Une petite question technique : comment se fait le déplacement de la planche de rappel (à la main? avec un bout?) Comment tiens t'elle bloquée en position?
Merci pour vos retours.

Pour ce qui est de la planche de rappel, c'est en fait très basique. On l'envoie à la main d'un bord à l'autre et comme le chariot sur lequel elle coulisse est super bien fait, ça glisse tout seul jusqu'à se retrouver en butée sur l'autre bord. Aucun taquet pour la maintenir dans sa position, c'est le poids du barreur qui crée un frottement suffisant pour que ça ne bouge plus. Déconcertant mais plus c'est simple plus c'est efficace... Par contre, une gîte trop importante et la planche glisse sur l'autre bord, façon grand splash, c'est un peu risible.
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Sur les IC10 un peu plus évolués, le banc de la planche de rappel est également réglable en longitudinal: on peut s'avancer ou se reculer dans le bateau, ce qui ne doit pas être un luxe mais ajoute encore un paramètre à gérer. Chacun est libre de s'enquiquiner comme il l'entend, mais bon, il y a un moment où on finit par se demander où est le plaisir. A part peut-être terrifier les néophytes et passer pour un grand mage de la voile qui connait la fonction secrète de chaque bout rose de son esquif.
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Re: IC10, le canoë international

Message par Egareg » 04 avr. 2014, 09:55

Adrian a écrit :Sur les IC10 un peu plus évolués, le banc de la planche de rappel est également réglable en longitudinal: on peut s'avancer ou se reculer dans le bateau, ce qui ne doit pas être un luxe mais ajoute encore un paramètre à gérer.
C'est l'avantage du trapèze : on gère facilement l'assiette longitudinale et latérale ; mais ça fait moins classe qu'un belle planche de rappel et c'est trop ordinaire ! ;)

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Re: IC10, le canoë international

Message par feesa » 04 avr. 2014, 11:50

c'est vrai que là, en plus d'être bon marin, il faut être aussi acrobate ;)
merci Adrian pour cette très intéressante présentation, je relie cette article à la fiche de l'IC10 du site http://www.forumvoile.com/fiches-bateau ... &aff_cat=1

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